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Difficile de trouver du personnel pour les organismes communautaires de l’Est

Déficience de l’offre de transport en commun et salaire peu compétitifs expliqueraient les difficultés du milieu communautaires, selon les intervenants interrogés. Photo: Deposit photo

La pénurie de main-d’œuvre frappe durement les organismes communautaires de l’Est, qui peinent à recruter et retenir des employés.

Si les difficultés de recrutement et de rétention du personnel touchent tous les secteurs économiques, les particularités du milieu communautaire dans l’est de Montréal rendent le défi encore plus ardu pour ses gestionnaires.

Le manque de financement est l’enjeu majeur, selon le témoignage de tous les intervenants contactés par Métro média, dont le directeur général de la Corporation de développement communautaire (CDC) de Rivière-des-Prairies, Mathieu Leclerc.

Non seulement nos organismes ne peuvent offrir de salaires concurrentiels, ni avec le public ni avec le privé, mais le financement est maintenant davantage accordé ponctuellement, par projet, explique-t-il. « On ne peut donc pas garantir d’emplois pour plus de six mois ou un an. On perd ainsi d’excellents candidats », affirme-t-il.

Selon les derniers chiffres du Comité sectoriel de main d’œuvre – Économie sociale et Action communautaire (CSMO – ÉSAC), sortis en 2017, le salaire moyen dans les organismes communautaires est de 18,54$/h, alors qu’il est de près de 25$ au Québec.

Les organismes tentent traditionnellement de compenser les salaires inférieurs en offrant d’autres types d’avantages sociaux, tels de plus longues vacances ou un horaire de travail plus flexible, mais la situation reste préoccupante.

Le manque de financement a également un impact sur les locaux et les équipements. « Nous avons le même mobilier depuis 15 ans, nos ordinateurs datent de sept ou huit ans, rien pour donner à un potentiel employé qui visiterait nos bureaux le goût d’y travailler », ajoute M. Leclerc.

Une situation généralisée
Selon une étude du CSMO – ÉSAC  réalisée en 2015, 44% des organisations communautaires québécoises se disaient préoccupés par la question de la relève, et prévoyaient la plus importante vague de départs dans un horizon de deux ans et demi. Des difficultés à pourvoir un ou plusieurs postes étaient déjà rencontrées par 32% d’entre eux.

Les nouvelles données, récoltées en 2018, ne seront disponibles qu’au printemps, mais il semble que la situation se soit détériorée entre temps.

La directrice générale de la Maison Dalauze, Danielle Mongeau, constate une diminution marquée de nombre de candidatures reçues : moins du tiers de ce qu’elle pouvait recevoir il y a seulement deux ans. Un poste affiché à l’automne est d’ailleurs toujours vacant.

Même son de cloche du côté de Daniel Duranleau, directeur général de Concertation Anjou, dont les membres déplorent une diminution de moitié du nombre de candidatures reçues par rapport à il y a deux ans.

« Certains quartiers attirent car ils bougent, il y a des grands projets, ce qui n’est pas le cas ici, admet-t-il. C’est une perception que les gens ont : on se fait dire qu’à Anjou, ça bouge moins. Ce n’est pas attrayant pour les chercheurs d’emploi. » Le préjugé semble répandu à l’ensemble des arrondissements de l’est de l’île.

Christian Huneault, coordonnateur de L’Antre-Jeunes de Mercier-Est, affirme également avoir un gros roulement parmi son personnel, particulièrement dans les équipes de plancher des maisons de jeunes. Un poste de travailleur de milieu est d’ailleurs toujours à pourvoir.

Autre exemple: l’Échoppe de Gaïa, une fruiterie communautaire de Rivière-des-Prairies, qui a reçu un nombre très limité de candidatures lorsqu’elle a affiché plusieurs postes l’an dernier. L’un est resté vacant pendant deux mois avant que le commerce se résigne à renoncer à l’embauche.

Le manque de transport en commun pointé du doigt
Les difficultés sont exacerbées par le transport en commun déficient, particulièrement dans les secteurs plus près de la pointe de l’île.

Les organismes communautaires recherchent majoritairement des gens ayant un diplôme universitaire, qui sont moins nombreux dans l’est de la ville, souligne Jonathan Roy, directeur général de la CDC de la Pointe.

Environ le deux tiers des employés du milieu ont un diplôme post-secondaire en poche, selon les plus récentes données du CSMO – ÉSAC.

« Les gens qui vont travailler dans un organisme comme le nôtre ont un profil plus urbain, vont habiter dans les quartiers plus centraux, et ne pas avoir de voiture, affirme-t-il. Il est arrivé souvent que des gens que je convoque en entrevue finissent par se décommander parce qu’ils trouvent que c’est trop long venir de Rosemont. »

Pour se rendre aux locaux de son organisme, à Pointe-aux-Trembles, à partir des quartiers centraux, il faut prévoir plus d’une heure.

Un enjeu auquel est également confrontée Charlie-Anne Bonnet-Painchaud, directrice de l’Éco de la Pointe-aux-Prairies, qui confirme qu’il est fréquent de voir un employé quitter peu de temps après l’embauche, après avoir trouvé un autre emploi près de sa résidence.

« Juste dans la dernière année, je compte cinq départs,  affirme-t-elle. Il ne reste que moi et un collègue qui avons plus d’un an d’ancienneté ici. L’expertise se perd, la mémoire de l’organisme aussi.  »

Parmi les solutions proposées par les intervenants, l’amélioration des transports en commun fait l’unanimité, en plus d’une meilleure offre salariale. Mme Bonnet-Painchaud souligne d’ailleurs se faire un point d’honneur de demander des salaires plus élevés lors de demandes de subventions, une mesure qui figure au plan d’action 2019 de l’organisme.

« Il faut aussi trouver une façon d’attirer davantage de professionnels dans l’est de la ville, conclut Jonathan Roy. Améliorer l’offre culturelle, l’offre culinaire, pour éventuellement donner envie aux familles de déménager dans le coin. »

 

Ce qu’ils ont dit
« [La pénurie de main d’œuvre] est généralisée à tous nos organismes. » – Daniel Duranleau, directeur-général de Concertation Anjou

« Il faut mettre son pied à terre et arrêter d’être le cheap labor. Je n’engage que des gens qui ont un bac ou une maîtrise, il y a une forte valeur à leur travail. » – Charlie-Anne Bonnet-Painchaud, directrice de l’Éco de la Pointe-aux-Prairies

« Les gens ne veulent pas perdre des heures chaque jour en autobus.»  – Jonathan Roy, directeur général de la CDC de la Pointe.

« Encore récemment, on a perdu une candidate intéressée, compétente. Elle nous a demandé une garantie qu’elle serait embauchée après la période de probation de six mois. On ne pouvait pas garantir le financement. » – Mathieu Leclerc, directeur général de la CDC de Rivière-des-Prairies

« Dans la dernière année, il y a eu un renouvellement de plus de la moitié de l’équipe. » – Taï Cory, directeur général de Solidarité Mercier-Est

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