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L’histoire des Noirs à Rivière-des-Prairies à travers les yeux d’une artiste

Une seule image des courts métrages de Martine Chartrand peut nécessiter plus d'une journée de travail. Photo: Isabelle Bergeron

Quand elle était petite, Martine Chartrand était la seule fillette noire de l’école Notre-Dame-de-Fatima. Adoptée dans les années 1960 par un couple prairivois, elle estime avoir été parmi les tout premiers noirs du quartier.

«En étant éduquée dans une famille québécoise, on en oublie notre différence, raconte-t-elle. C’est beaucoup plus le regard des autres qui nous met de côté. Ceux qui sont le plus durs, ce ne sont pas nos camarades parce que les enseignants font attention à cela. Ce sont les plus vieux.»

Dans les années 1970, elle a vu arriver les premières vagues d’immigrants haïtiens dans le quartier.

«Quand j’étais en sixième année, il y a des jumeaux de la Nouvelle-Calédonie qui sont arrivés et il a commencé à y avoir des gens de la communauté noire. Puis, dans les années 1970, il a commencé à y avoir des Haïtiens», se souvient-elle.

Elle se rappelle du bonheur qu’elle a éprouvé en voyant débarquer ces nouveaux arrivants et de sa première amie haïtienne. Lorsqu’elle a fait son entrée à l’école secondaire de Rivière-des-Prairies, le nombre de Noirs dans le quartier avait déjà augmenté.

Même si elle estime que le quartier les a bien accueillis, notamment grâce au travail des enseignants, elle se souvient avoir protégé des plus jeunes qui se faisaient un peu trop taquiner en raison de leur couleur.

Après 10 ans d’absence, Mme Chartrand est revenue enseigner à l’école Jean-Grou, au début des années 1990. Elle a constaté que l’hospitalité du quartier envers les nouveaux arrivants n’avait pas changé.

Mme Chartrand est toujours à la recherche de ses origines et elle prévoit visiter Haïti, le pays de son père, prochainement. La dame raconte avoir été profondément marquée par le fait d’être métisse.

«Ce qu’on peut avoir eu comme cicatrice ou comme beauté à l’enfance se reflète sur notre personne et sur notre travail pour le reste de notre vie. C’est peut-être pour ça que j’ai cherché mes origines», explique-t-elle.

Les œuvres de Martine Chartrand présentées dans le cadre du mois de l'histoire des Noirs
Les œuvres de Martine Chartrand présentées dans le cadre du mois de l’histoire des Noirs

Exposer l’histoire des Noirs
L’artiste de renommée internationale habite maintenant Rivière-des-Prairies où elle expose certaines de ses œuvres choisies parmi les 14 000 images du court métrage «Âme noire». Cette exposition sera présentée à la bibliothèque du quartier jusqu’au 8 mars.

Ce film a remporté plusieurs prix dont le prestigieux prix Ours d’Or, dans la catégorie court métrage, en 2001.

Peu de peintures originales ont été rescapées de ce tournage puisque la technique qu’utilise Mme Chartrand pour ses films l’oblige à en détruire une bonne partie.

Ces animations sont produites selon la technique de l’image par image. Pour créer l’illusion du mouvement, l’artiste prend donc une série de photographies d’une image en la modifiant légèrement entre chaque photo.

Mme Chartrand doit donc constamment effacer et modifier ses dessins.

«Il ne faut pas tomber en amour avec nos peintures, explique Mme Chartrand. Parfois, je détruis de beaux visages qui sont très difficiles à faire. Un moment donné, on se dit qu’on n’a pas le choix et qu’il faut bien continuer à avancer.»

L’artiste a tout de même conservé certaines plaquettes sur lesquelles on peut voir le dernier mouvement d’une scène. Elle a aussi pris plusieurs photos du processus.

«On trouve surtout les scènes qui n’ont pas beaucoup de mouvement, mais qui ont surtout une présence à observer et pour faire réfléchir», explique l’artiste.

Les visiteurs de l’exposition pourront aussi admirer des photographies des œuvres détruites et les croquis que l’artiste a utilisés pour se guider dans sa peinture. Ceux-ci portent d’ailleurs les traces de doigt laissées par la peintre durant son travail.

Le court métrage de neuf minutes est également présenté en boucle. Celui-ci a nécessité plus d’an de recherche historique et cinq ans de travail artistique.

«L’idée est de le montrer aux jeunes du coin parce qu’ils ne connaissent pas bien leur histoire», conclut l’artiste. Le film s’ouvre d’ailleurs sur la scène d’une grand-mère qui dit à son petit-fils d’être fier de son histoire et de la partager.

Les œuvres présentées dans le cadre du mois de l’histoire des Noirs

L’exposition «Âme noire» est présentée à la bibliothèque de Rivière-des-Prairies jusqu’au 8 mars.

Le court-métrage «Macpherson» et le documentaire «Le mystère de Macpherson» seront présentés le 26 février, à 18h, au centre récréatif de Rivière-des-Prairies. Le cinéaste Serge Giguère et Mme Chartrand seront sur place pour répondre aux questions du public.

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