Soutenez

S’attaquer à la cyberdépendance des jeunes

Photo: Photo TC Media/Delphine Jung

Le centre Le grand chemin, qui traite les dépendances auprès des adolescents, a ouvert une cellule qui soigne la cyberdépendance. Portrait d’un problème virtuel bien réel.

Leurs amis virtuels sont parfois plus réels que ceux du cégep, ils dorment très peu et certains sont jusqu’à 15 heures par jour devant un écran d’ordinateur, de téléphone intelligent ou de tablette. La moyenne québécoise en 2005 était de 11,8 heures par semaine d’après le Centre québécois de luttes en dépendance.

Depuis le lancement du programme pour soigner la cyberdépendance, le centre Le grand chemin a accueilli une dizaine de jeunes qui souffrent d’une telle pathologie. «Ils représentent 6% des jeunes que nous avons accueillis ces deux dernières années. C’est deux fois plus que les joueurs pathologiques», précise David Laplante, directeur général du centre.

Parmi eux, Olivier (non fictif), 19 ans. Il est entré au centre à 17 ans. «Je passais en moyenne 12 heures par jour devant des jeux ou la télévision. Parfois même 19. Ma mère ne m’a pas trop laissé le choix. Soit je me faisais soigner, soit je quittais la maison», témoigne-t-il.

L’intervenante Ariane Mayer déplore le fait que beaucoup de parents ne réalisent pas que leur enfant souffre de cyberdépendance, car elle est banalisée. «Ils se disent qu’il a fait ses devoirs, qu’il ne fait que jouer un peu. On estime pourtant que passer quatre heures par jour à jouer aux jeux vidéo ou à chater sur les réseaux sociaux est un des signes de cyberdépendance».

«Certains ne savent même pas que ça existe ou ils ont honte d’en parler», ajoute Olivier.

Mais ne sommes-nous pas tous un peu dépendants? «La plupart des gens, si on leur enlève leur téléphone intelligent ou leur ordinateur, vont se sentir déstabilisés, mais ils s’adapteront. Ceux qui sont accros vont développer des comportements différents de la norme».

«J’attendais que le jeu charge pour aller aux toilettes ou pour manger»-Olivier, ancien cyberdépendant

Les symptômes ressemblent en effet à ceux qu’entraînent beaucoup de dépendance: «Ces jeunes développent un côté obsessionnel très important qui perturbe leur sommeil et leur hygiène corporelle. Ils peuvent cumuler absentéisme scolaire, isolement social et malbouffe», ajoute Mme Mayer.

«J’attendais que le jeu charge pour aller aux toilettes ou pour manger. Pendant un temps, j’ai vécu avec ma grand-mère et à cette époque, je peux dire qu’il n’y avait que deux personnes dans ma vie. Elle et mon personnage dans le jeu», explique Olivier.

Pour le guérir, le centre mise sur l’abstention totale pendant huit à dix semaines. «Il faut lui montrer que le plaisir existe aussi dans d’autres activités. On travaille aussi beaucoup sur l’estime de soi, car pour eux, se réfugier dans les jeux ou les réseaux sociaux est leur seule manière de se valoriser», détaille l’intervenante.

Le centre n’a pas recours à la médication, mais met en place des thérapies de groupe, explique aux jeunes qu’ils peuvent développer des intérêts pour le sport ou l’art. Ils retournent ensuite chez eux tout en étant suivis pendant quatre mois.

Cela fait désormais 18 mois qu’Olivier est sevré: «On n’est jamais entièrement guéris. Je ne joue plus du tout, car je sais que même si je m’accorde quelques heures seulement de jeux, je risque vite de replonger».

D’après l’équipe du grand chemin, la moitié des jeunes pris en charge ont réussi leur traitement. Sur l’autre moitié, une seule adolescente est revenue dans l’établissement.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.