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40e anniversaire de la chute de Saigon: elle a risqué sa vie pour fuir les communistes

D'origine vietnamienne, Ann Mary Ta (gauche) pose ici avec sa fille Ylang Ta. Mme Ta a survécu à l'épopée tragique des réfugiés de la mer en 1978. Elle a dû préalablement vivre trois ans sous le régime communiste après la chute de Saigon le 30 avril 1975. Photo: François Lemieux

Il y a quarante ans jeudi, les forces communistes nord-vietnamiennes prenaient Saigon, la capitale du Vietnam du Sud. S’amorce alors l’épopée des réfugiés de la mer; deux millions de personnes quitteront le pays par bateau au péril de leurs vies dans le but de fuir l’oppression. Parmi eux, Ann Mary Ta, qui s’est réfugiée à Côte-des-Neiges en 1979 avant de déménager à Pointe-Saint-Charles en 1994. Elle a ensuite déménagé à Saint-Laurent en 2005.

L’histoire des «boat people» (mot construit à partir des mots anglais «bateau» et «gens» qui ont fuit le Viêt Nam par voie de mer), est tragique. Près de 250 000 d’entre eux sont morts en pleine mer noyés, à cause d’une maladies ou tués par des pirates. Ann Mary Ta se trouve chanceuse d’avoir survécu.

Encore aujourd’hui, elle se souvient très bien de l’arrivée des forces communistes, le 30 avril 1975.

«On était triste devant la fenêtre, regardant l’arrivée des communistes. Tout était arrêté. Il n’y avait pas de marchés, les commerces étaient tous fermés. C’était comme une journée de deuil. J’avais l’impression que mon monde s’écroulait. C’était comme une peine d’amour multipliée par 100 000», confie-t-elle à TC Media.

Contrairement à des milliers de Vietnamiens, Mme Ta, qui avait alors 25 ans, n’avait pas pu s’enfuir immédiatement. Elle travaillait alors comme représentante pour une compagnie de lait concentré.

Les communistes ont pris le contrôle du siège social et envoyé tous les travailleurs à la manufacture. Ils ont réassigné Mme Ta à la cantine. Comme bien des gens, elle a dû prendre une diminution de salaire importante. «Le salaire de représentante était de 500$ par semaine alors que pour travailler dans la cantine, le salaire était seulement de 50$, le même que tout le monde gagnait sous le régime communiste. On ne pouvait rien dire. Tout le monde était mécontent», a-t-elle raconté.

D’autres ont malheureusement vécu pire qu’une baisse de salaire.

«Ils tuaient des gens. Il y avait un directeur de la compagnie qui était âgé. Il avait plus de 60 ans. Une journée, sa famille est venue chez nous. Sa femme criait et pleurait et demandait si l’on avait vu son mari. Le directeur avait été emmené et interrogé. On ne l’a plus vu. Il avait été soldat pour les Français auparavant», a-t-elle mentionné.

Un long périple
Comme deux millions de Vietnamiens, Mme Ta a fini par fuir. Une nuit d’octobre 1978, à 2h du matin, elle est partie sans bagages et avec son fils de deux ans sur une embarcation surchargée, vulnérable aux tempêtes et aux pirates. «On entendait souvent par la radio [clandestinement] le nombre grandissant de gens qui mourraient à la mer ou sous les mains des communistes. Les histoires transmises par bouche à oreille ont corroboré ce qu’on entendait à la radio. Mais on s’en foutait parce que je ne pouvais plus rester avec les communistes», a-t-elle dit.

Le bateau faisait 12 mètres de longueur et deux mètres de largeur. Il y avait 110 personnes à bord. Le voyage jusqu’en Malaisie a duré trois jours. Recroquevillée sur elle-même, ses genoux s’accotant sur les genoux des autres, elle pouvait à peine bouger. Mais tous n’ont pas eu cette chance. Une amie d’enfance très proche de Mme Ta est morte tuée par des pirates.

«J’ignorais sa mort jusqu’à que je sois arrivée au Canada. Une connaissance me l’a racontée lorsqu’on s’est croisée à Montréal. Elle m’a raconté que sa famille était à bord du bateau lorsqu’elle a été tuée sous leurs yeux. J’étais sous le choc quand j’ai entendu l’histoire. Elle était une personne très aimable. Je pense souvent à elle, j’ai vécu mon enfance avec elle», raconte-t-elle.

Après avoir passé six mois dans un camp de réfugiés en Malaisie, Mme Ta a été parrainée par sa belle-mère au Canada et a pu arriver saine et sauve à Montréal en 1979.

«Je n’ai plus le goût de retourner là-bas. Il n’y a rien qui m’attire. Ma sœur et mes frères sont retournés là-bas. Ils disent que le Vietnam d’aujourd’hui n’est plus comme le Vietnam d’avant. C’est plus libéral. Mais la vie [dans ce pays] est comme une façade. Toute la vie est «belle» mais ce n’est pas vrai. Au fond, ce n’est pas ça. Ils sont hypocrites, les communistes», a-t-elle dit.

Quarante ans après la chute de Saigon, Mme Ta garde une certaine rancune par rapport aux événements qui se sont produits, mais se dit quelques fois que sans les communistes, elle n’aurait pu venir au Canada, un pays qu’elle aime.

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