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Mai Dang, la réfugiée qui rêvait de devenir policière

Photo: Mario Beauregard

Mai Dang a fui le Viêt Nam avec sa famille parmi les boat-people. Après avoir vécu trois ans dans des camps de réfugiés, elle s’est installée au Québec où elle a grandi et est devenue la première policière asiatique du SPVM. La vie de l’agente sociocommunautaire du poste de quartier de Saint-Léonard est ponctuée d’épisodes difficiles qu’elle tente de traduire en messages d’espoir.

« C’est lui mon héros. Ce n’est pas Superman », lâche Mai Dang en préambule. « Lui », c’est Van Kien Dang, son père de 72 ans qui partage sa vie entre son pays d’origine et le Québec. Héros discret, ce chef de famille veuf a porté les siens autour du monde et transmis des valeurs indélébiles à ses quatre enfants.

L’histoire de la famille Dang démarre au Viêt Nam en 1976. Après la mort d’un de ses fils des suites d’une maladie et la perte de sa femme lors de l’accouchement de sa dernière fille, Van Kien décide de quitter son pays. Au lendemain d’une guerre à laquelle il a participé aux côtés des Américains, ce pêcheur devenu soldat décide de prendre la mer avec Mai, alors âgée de 2 ans, son frère et ses deux sœurs.

Comme des centaines de milliers de compatriotes, la famille s’embarque à plusieurs reprises dans les périlleuses traversées des boat-people.

« Il nous réveillait et on partait en cachette. Personne ne savait, il n’a même pas dit à mon grand-père qu’on partait. On s’enfuyait comme des voleurs », se souvient Mai. Après six tentatives ratées, la famille rallie la Thaïlande au septième essai et s’installe dans un camp de réfugiés où elle restera trois ans.

Au bout de longues procédures, les Dang posent finalement leurs valises au Québec en avril 1981. Mais cette arrivée est synonyme de séparation puisque Van Kien est mis en quarantaine en raison d’une tuberculose contractée en Thaïlande.

Les enfants sont alors placés à Dorval chez Catherine Cherry, une enseignante divorcée et mère de deux enfants. Celle que Mai appelle affectueusement « Cathy » prend en charge ces quatre petits aux têtes remplies de poux.

« La première chose dont se souviennent mon frère et ma sœur, c’est le froid. Moi c’est le beurre de peanuts, raconte Mai. Cathy nous en donnait avec du pain. On ne savait pas ce que c’était donc on ne mangeait rien. Le lendemain, on a été à Chinatown acheter du riz et de la sauce de poisson. »

Après des années de survie, ce père et ses quatre enfants âgés de 3 à 9 ans sont accueillis à bras ouverts par cette communauté montréalaise.

« Quand mon père est sorti de l’hôpital. Ils nous ont trouvé un 4 ½. On était entassés. Papa dormait avec mon frère et nous, les trois filles, nous étions dans la même chambre. On était pauvres, mais on était heureux », se souvient l’agente sociocommunautaire.

Enfin en sécurité, Van Kien Dang cumule les petits boulots pour assurer avec succès l’éducation de ses quatre enfants. Son fils aîné est aujourd’hui ingénieur et les sœurs de Mai sont infirmière et enseignante. « Il nous a inculqué le respect et l’entraide. Il n’est jamais amer de la vie. Il a eu un parcours tellement dur, mais il a toujours quelque chose de positif à dire », salue aujourd’hui sa fille.

«Si mon parcours peut aider du monde, tant mieux, mais je ne pense pas être un exemple. La personne à admirer, c’est plutôt mon père. »
Mai Dang

Par sa fonction, Mai tente à son tour de faire passer ces valeurs aux jeunes de l’arrondissement de Saint-Léonard. Elle intervient notamment dans les classes d’accueil de jeunes immigrés et anime des sessions pour les nouveaux arrivants. « Je les pousse à montrer aux Québécois ce qu’ils valent. On doit remercier le Québec de nous avoir donné une meilleure vie et on doit se rendre utile », martèle la policière.

Contre l’avis de son père pour qui la police était synonyme de corruption dans son pays, Mai a toujours rêvé de rentrer au SPVM. Cette détermination sans faille l’a fait devenir la première agente asiatique du service en 2002. « Si mon parcours peut aider du monde, tant mieux, mais je ne pense pas être un exemple. La personne à admirer, c’est plutôt mon père », clame tendrement la policière.

L’histoire de Mai définit aujourd’hui la femme qu’elle est devenue et elle ne se sépare jamais des quelques photos jaunies qui ont résisté au périple de cette famille de réfugiés. Elle rêve désormais de retourner au Viêt Nam, ce pays natal où sont ancrées les racines de son passé.

« Je veux aller voir le tombeau de ma mère et de mon frère pour leur dire bonjour. Même si ma mère n’était pas avec nous, j’ai tout le temps senti sa présence. »

Quand un son réveille une image
De tout ce périple, Mai Dang ne garde que des bribes en mémoire. Ce n’est que lors de son premier entraînement au tir avec le SPVM qu’une vision enfouie de son passé s’est réveillée. Un flash qui a expliqué l’origine de la mystérieuse cicatrice qu’elle avait toujours vue sur la jambe de son père.

« Simplement avec le son du canon, j’ai vu, c’était tangible. Je suis resté bouche bée, je pleurais. Lors d’une des tentatives de traversée, les Khmers rouges du Cambodge nous ont interceptés. Mon père tenait ma petite sœur, mais ils ont tiré sur sa jambe gauche et j’étais juste à côté. Ma petite sœur est tombée dans l’eau et je voyais du sang partout… J’ai appelé mon père dans la foulée et il m’a tout raconté », se remémore Mai.

Les membres de ce mouvement politique communiste avaient alors emprisonné Kien et ses quatres enfants avant de les renvoyer au Viêt Nam.

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