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Conférence sur le car-surfing à l’école Ferland

Réunis dans le gymnase, les élèves du Centre Ferland étaient plus silencieux qu’à l’habitude, le 22 novembre. Cet après-midi-là, ils ont reçu la visite d’un jeune, à peine plus vieux qu’eux, venu livrer un témoignage à la suite de sa condamnation pour conduite dangereuse causant la mort d’un de ses meilleurs amis. Le drame est survenu alors qu’ils faisaient du « car surfing » et qu’il était le conducteur du véhicule.

Venir sensibiliser les élèves à la banalisation des dangers reliés à la conduite automobile fait partie de la sentence rendue contre le jeune homme de 19 ans, qu’on ne peut identifier, car il était mineur au moment des événements.

En 2010, Adel* et trois de ses amis se sont adonnés à une séance de « car surfing », une périlleuse activité qui consiste à se tenir sur une partie extérieure d’un véhicule en mouvement, alors qu’il est conduit par une tierce personne.

Après avoir chuté du véhicule, un de ses amis a subi de graves blessures. Huit jours plus tard, le jeune homme de 16 ans, qui était dans le coma, a rendu l’âme. C’était non seulement un deuil éprouvant qui attendait Adel, mais aussi le début d’un long processus judiciaire qui se concluera finalement par une peine de 240 heures de travail communautaire, six mois d’emprisonnement à domicile et la suspension de son permis de conduire pour les trois prochaines années.

Selon l’agent sociocommunautaire du poste de quartier 42, Daniel Castonguay, cette conférence était l’occasion pour les adolescents de mettre un visage sur ces événements qui n’arrivent pas seulement aux autres.

« C’est important de faire prendre conscience aux jeunes qu’un volant, ce n’est pas un jouet. En amenant Adel, on espère qu’ils ne se retrouveront pas dans une telle situation. Mais, si un jour ils s’y retrouvent, qu’ils prennent des décisions pour ne pas se retrouver devant un juge pour quelque chose qui ne devait être qu’un « jeu » », explique-t-il.

« On dit toujours qu’on est responsable de nos actes. Je suis d’accord, par contre, on n’est pas conscient des conséquences que ça entraîne. J’ai été forcé de confronter tout ça parce que cette journée-là, je n’ai pas été conscient de l’ampleur de mon geste », signale le jeune homme.

Il confie qu’aujourd’hui, deux ans plus tard, les images de cette journée sont encore très présentes dans sa mémoire.

« Ma prison, c’est ma tête. C’est mon pied qui a pesé sur l’accélérateur et jusqu’au jour où je ne serai pas avec lui, le minimum que je peux faire, c’est justement de ne jamais oublier. En ce moment, je vous raconte mon histoire, mais il faut penser que c’est toute une communauté qui a vécu un deuil à cause de moi », a-t-il fait observer à la centaine de jeune devant lui.

Cette épreuve, Adel n’a pas fini de la traverser. Quotidiennement, il a raconté devoir se rappeler que son grand ami n’est plus de ce monde. Les choses sont allées très vite. Du jour au lendemain, il s’est retrouvé devant un juge à devoir se défendre.

« Je me suis demandé, est-ce que je suis un criminel? Pourquoi je dois me justifier? Il y avait des gens qui venaient me voir et qui me disaient « Adel, ce n’est pas de ta faute » et c’est là que j’ai compris que s’ils me disaient ça, c’était parce que quelque part, oui c’était de ma faute. Si ce ne l’était pas, je ne serais pas ici aujourd’hui et David* lui aurait pu aller à sa pratique de soccer [et devenir l’athlète qu’il voulait être]», déclare-t-il.

« Aujourd’hui, je vous ai averti des dangers de ce qu’on croit être des « jeux ». Si un jour vous faites le choix de quand même le faire et que vous vous retrouvez dans la même situation que moi, dites-vous une seule chose, c’est que vous serez deux fois plus triste que moi, parce que vous, vous aurez été prévenu », a-t-il conclu.

Après ces mots, le silence a laissé place à une période de questions des élèves.

« As-tu revu la famille de ton ami ? », a demandé un premier jeune.

« J’ai croisé son père une fois, mais non je ne les ai pas revus depuis cette journée-là. David et moi étions très proches, on était comme des frères, on traînait toujours ensemble. J’ai su que ses parents ne m’accusent pas. Ils ont dit que ç’a aussi été le choix à David d’embarquer sur le capot, mais ils ne sont pas prêts à me revoir, explique-t-il.

De plus, j’ai l’impression qu’aller les voir, c’est leur imposer une image de leur fils et de leur rappeler qu’il n’est plus ici. »

Pour conclure la rencontre, l’agent Castonguay a fait valoir qu’il est malheureux de voir des gens se retrouver dans le système judiciaire pour des gestes qui peuvent être évités, rappelant que d’autres sangers guettent les jeunes.

« Il y a des gens qui se retrouvent dans un système de justice pour la lettre K [OK] », a-t-il exposé, faisant référence aux automobilistes qui textent au volant.

* nom d’emprunt afin de préserver l’anonymat.

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