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Montréal insalubre: le Domaine Renaissance écope de plus de 500 000 $ en amendes

Photo: Archives TC Media

Des 734 764$ émis en amendes pour insalubrité à Montréal depuis 2007, plus de 500 000$ ont été décernés au propriétaire du Domaine Renaissance, à Saint-Léonard, selon le rapport «Montréal insalubre» du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).

Coquerelles, planchers pourris, moisissures et murs défoncés, la condition des logements du Domaine Renaissance ne va pas en s’améliorant. L’endroit est réputé pour ses conditions d’insalubrité, depuis plus de 15 ans.

Lors de sa tournée annuelle, le RCLALQ a visité plusieurs lieux insalubres de Montréal, dont ce domaine de 21 immeubles et 336 logements, afin de réitérer l’urgence que la Ville de Montréal applique avec plus de rigueur son règlement sur la salubrité.

Propriétaire délinquant
Selon le RCLALQ, les problèmes d’insalubrité dans les logements montréalais seraient dus à quelques propriétaires délinquants seulement.

«Il y a des propriétaires majeurs qui possèdent des centaines de logements et qui sont très problématiques», confirme Maude Bégin Gaudette, porte-parole du Regroupement.

D’après des documents fournis par le RCLALQ, Montréal aurait émis près de 735 000 $ en amende depuis 2007, dont 95 % envers les quatre mêmes propriétaires.

Un chiffre qui n’étonne d’ailleurs pas Christian Perron, président de l’Association des propriétaires d’appartements du Grand Montréal (APAGM).

«Des propriétaires délinquants, il y en a quatre ou cinq à Montréal. C’est toujours les mêmes qui nous font mauvaise presse», dénonce-t-il, en ajoutant que les propriétaires du Domaine Renaissance en font partie.

M. Perron se questionne aussi sur le fait que les locataires acceptent d’habiter dans des logements aussi insalubres.

«Pourquoi continuent-ils à louer ces logements? Nous ne sommes pas en pénurie de logements», mentionne-t-il.

Un dossier qui s’éternise
Action-Dignité de Saint-Léonard est actif dans le dossier du Domaine Renaissance depuis 15 ans.

En 2010, la Direction de la Santé publique de Montréal (DSP) avait mené une enquête, afin d’évaluer le risque à la santé posé par les conditions de logement au domaine.

«L’étude concluait que les locataire sont malades à cause de la présence de coquerelles, de punaises et de moisissures et que des actions s’imposaient», affirme Sylvie Dalpé, d’Action-Dignité de Saint-Léonard.

Comme la DSP n’a qu’un pouvoir de recommandation, l’étude a été transmise à la Ville de Montréal.

En 2011, les immeubles ont été achetés par le Groupe Mach.

Un comité action salubrité avait par la suite été mis sur pied, sur lequel siègent différents acteurs dont l’arrondissement, la ville-centre, le gestionnaire d’immeubles, le propriétaire et la DSP.

«En 2015, La Ville de Montréal a fait l’inspection de l’ensemble des logements et a remis des constats d’infraction, continue Mme Dalpé. On ne connaît toutefois pas le nombre.»

Certains locataires ont été relogés. Des exterminations ont eu lieu. Malgré cela, les locataires vivent encore de graves problèmes d’insalubrité.

Amendes revues à la hausse
La Ville de Montréal a annoncé, le 9 juin, qu’elle ira de l’avant et augmentera de 25 % à 50 % les amendes minimales et maximales imposées aux propriétaires d’immeubles locatifs qui tardent à corriger les non-conformités liées à l’insalubrité constatée dans leurs logements.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, avait annoncé cette intention de la Ville en mai 2014, lors du dévoilement du Plan d’action de lutte à l’insalubrité des logements 2014-2017, mais c’est finalement dans les prochaines semaines que sera soumise une demande au conseil municipal afin de permettre la majoration de ces amendes, dès le mois d’août prochain.

«Ces augmentation n’ont qu’un seul but, elles serviront d’incitatif puissant pour faire pression sur les propriétaires délinquants pour qu’ils exécutent les travaux correctifs nécessaires au rétablissement de conditions conforment à la réglementation, a affirmé M. Coderre. L’an dernier, je vous avais dit que nous ne tolèrerions plus que le comportement irresponsable de quelques propriétaires délinquants vienne entacher l’image de notre ville. Je suis sûr que les mesures annoncées parviendront à régler ce problème.»

Épuisés, des locataires du Domaine Renaissance saluent cette décision de la Ville.

«On est au bout du rouleau, affirme Maria, une jeune maman d’origine africaine. Peut-être qu’en ayant plus de pression de la Ville, les propriétaires vont être plus efficaces. En tout cas, je le souhaite.»

Aux prises avec des punaises de lit depuis plusieurs mois, la femme dit craindre pour la santé de son bébé de six mois.

«L’exterminateur est venu plusieurs fois dans la dernière année, mais cela n’a pas fonctionné. Il y en a trop dans l’ensemble de l’immeuble. Elles se multiplient à la vitesse de l’éclair. Je passe mes nuits à surveiller mon bébé pour ne pas que les bibittes l’attaquent.»

Familles immigrantes
Les ménages du Domaine Renaissance sont composés en majorité de familles immigrantes, avec plusieurs enfants.

Selon l’organisme Action-Dignité de Saint-Léonard, celles-ci ont de très faibles revenus familiaux, de l’ordre de moins que 15 000 $ par année.

Elles paient un loyer élevé et consacre plus de 60 % de leurs revenus pour se loger.

«C’est vrai qu’on passe la majorité de notre budget dans le logement, confirme Renaud, qui possède un logement de trois pièces et demi au domaine, infesté par les coquerelles. Si seulement on pouvait avoir des conditions de vie comme tout le monde, je ne m’en plaindrais pas.»

Quelques doutes
Bien qu’ils soient soulagés de l’annonce de la Ville, certains locataires se sont quand même dits inquiets.

«La Ville est très patiente avec les propriétaires fautifs, regrette un locataire qui a préféré taire son nom. La preuve, c’est qu’on vit un calvaire depuis plus de 15 ans ici. Il faudrait qu’elle cesse d’émettre des avis de non-conformité et qu’elle les mettent tout de suite à l’amende.»

Silvia, une résidente de 42 ans, est aussi du même avis.

«Quand c’est un citoyen normal qui contrevient à un règlement, il reçoit tout de suite sa contravention. On ne reçoit pas d’avis. La Ville devrait tenir le même règlement pour les propriétaires fautifs. S’ils font ça, on va s’en sortir et c’est une très bonne nouvelle après tout ce temps», conclut la femme.

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