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Toucher du bois

Photo: Patrick Sicotte/TC Media

Après 52 ans à enseigner la sculpture sur bois à Verdun, Rémi Richard dit adieu au petit local qu’il a lui-même aménagé au centre Marcel-Giroux, l’arrondissement ayant décidé de ne pas renouveler son contrat. Mais le Madelinot d’origine ne rangera pas ses ciseaux à bois de sitôt et continuera à exercer sa passion. Il touche du bois en souhaitant pouvoir le faire encore longtemps.

Des centaines d’élèves sont passés dans les classes de M. Richard depuis qu’il a débuté l’enseignement, en 1965. La céramiste Yolande Rioux l’avait abordé à l’époque pour qu’il expose ses œuvres à la mairie avec elle et sa classe, l’aidant à se faire remarquer par la ville.

Sa classe, pendant plusieurs années, était le seul endroit de l’île de Montréal où on pouvait apprendre cet art, en dehors de l’Institut des Arts appliqués, aujourd’hui l’École du meuble.

Alors résident de Verdun, il enseigne à temps partiel, continuant à travailler à temps plein. «J’ai toujours pensé que l’art, c’est bien beau, mais ce n’est pas de l’ouvrage garanti», fait valoir l’homme de 76 ans.

Quand le centre Marcel-Giroux ouvre ses portes, en 1985, il est parmi les premiers enseignants à s’y installer. Il aménage tout le local voué à l’ébénisterie et la sculpture, allant jusqu’à Saint-Jean-Port-Joli lui-même pour trouver les tables de travail.

En plus de son savoir, M. Richard a transmis aux Verdunois quelques œuvres de sa main, notamment la table centrale de la salle Canadiana, à la bibliothèque Jacqueline-De Repentigny.

Une passion de toujours
Quand il a quitté ses îles natales en 1960, à l’âge de 19 ans, c’était pour développer son talent de sculpteur. Après une première pêche au homard épuisante, il est convaincu que son avenir se trouve ailleurs. Quand son oncle qui vit à Montréal lui parle de l’école de sculpture sur bois qui vient d’ouvrir à Saint-Jean-Port-Joli, épicentre québécois de cet artisanat, il fait le saut et s’embarque sur le North Gaspé.

«Je m’en rappelle comme si c’était hier. J’avais le cœur serré en voyant les îles disparaître à l’horizon, dans la lumière du coucher de soleil. C’était la toute première fois que je les quittais, seul, en plus», raconte M. Richard.

Son père et son grand-père avaient tous deux ce talent avec le bois, l’un travaillant sur les bateaux, l’autre sur des maisons. Il serait le premier de sa famille à pousser son apprentissage plus loin.

Après ses études à l’école des célèbres Bourgault, puis à l’Institut des Arts appliqués de Montréal, il obtient quelques commandes importantes, dont une figure de proue qui ornait le bar de l’hôtel Reine-Élizabeth.

«Ils voulaient que ça représente une biche qui saute, comme pour sortir du mur. Ça n’a pas été facile. Je n’avais jamais vu ça, moi, un cerf. On n’en a pas aux îles, raconte M. Richard. J’ai su il y a peu de temps que ma sculpture est maintenant dans la maison du grand proprio de la chaîne d’hôtels Fairmont, depuis qu’ils ont racheté le Reine-Élizabeth.»

Transmettre son art
«Affûtez bien vos ciseaux à bois. Ils devraient pouvoir couper les poils de mon bras comme un rasoir.» Cette phrase, tous ses étudiants l’ont entendue. C’est un peu sa marque de commerce.

Le professeur n’est pas peu fier de ses élèves, dont certains viennent des Laurentides pour suivre ses cours. Le regard plein d’estime, il montre les photos de leurs œuvres, immortalisées sur sa tablette électronique.

L’un d’eux se rend chaque année en Floride, où il gagne des concours. Un autre le suit depuis près de 40 ans. Il y en a eu de tous les âges, et de toutes les classes sociales. «Même le président de Pratt et Whitney venait avec sa femme», lance-t-il.

Même s’il quitte le petit local de Verdun, M. Richard ne renonce pas à l’enseignement. Il continuera à transmettre sa passion à Saint-Hubert, où il habite maintenant, et à Saint-Laurent. Sportif et très actif, il ne s’arrêtera pas de sitôt. «Je suis bien en forme. Je ne prends pas un seul médicament et, quand je vais voir le médecin, c’est plus par principe», souligne-t-il avec humour.

Le maillet avec lequel il travaille depuis toujours, cognant sur ses ciseaux à bois, continuera de s’user encore longtemps.

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