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Françoise David à livre ouvert

Photo: Mario Beauregard/TC Media

Françoise David quittait la vie politique le 19 janvier dernier. Celle-ci promet toutefois de rester une voix pour les personnes qui n’en ont pas, surtout pour ses concitoyens du quartier .

C’est au café Mille Gusti, sur la rue Saint-Zotique Est, que Mme David a donné rendez-vous à TC Media. Les lieux ont une importante valeur symbolique aux yeux de la femme engagée.

«En 2007, au moment de notre première campagne électorale à Québec solidaire, nos bureaux se trouvaient en face de ce café. Nous nous y sommes retrouvés avec les gens de mon équipe et nos bénévoles deux ou trois fois, et le café était plein à craquer, juste avant de faire nos « blitz » de porte-à-porte», raconte Mme David, qui depuis s’est lié d’amitié avec le propriétaire du commerce local.

La vie de quartier, en communauté, cela fait 30 ans qu’elle en fait l’expérience dans sa circonscription, Gouin. «Ç’a été pour des raisons pratiques au début. Mon conjoint et moi, nous y avons acheté une maison avec d’autres personnes. J’habite dans l’est de la circonscription, que j’ai beaucoup ratissé. La vie de quartier était très différente à l’époque, mais j’ai constaté depuis les 10 dernières années qu’elle a beaucoup changé, pour le mieux. Maintenant, je n’habiterais nulle part ailleurs», souligne-t-elle.

Ce besoin de communauté face à la mondialisation parfois «étourdissante», de «revenir au ras des pâquerettes», est de plus en plus présent dans le quartier et Mme David ne s’en étonne pas. «Les électeurs de Rosemont–La Petite-Patrie ont tour à tour voté pour Projet Montréal, Québec solidaire et le NPD. On s’intéresse aux enjeux dans les CPE, les écoles, on y créé des fêtes de quartier. Je trouve ça très intéressant», dit-elle.

Recevoir et donner
Issue d’une famille qui touche depuis longtemps aux sphères publiques (l’arrière-grand-père de Mme David, Laurent-Olivier, était un homme politique au 19e siècle), l’ex-députée de Gouin affirme pourtant ne jamais avoir ressenti de pression à se lancer en politique.

«Mon père est devenu sénateur lorsque j’avais déjà atteint la quarantaine. C’est plutôt ma mère, dont la foi catholique était très forte, qui a martelé auprès de mes frères et sœur et moi un message presque évangélique. Elle nous disait: ‘Vous avez beaucoup reçu, vous devrez donc redonner’, et je crois que c’est cela plus qu’autre chose qui m’a influencé à me lancer en service public», raconte Mme David.

Récemment devenue grand-mère, que conseillerait l’ancienne politicienne à sa petite-fille si celle-ci décidait de laisser sa marque à l’Assemblée nationale?

«Ne le fais pas toute seule, c’est ce que je lui dirais, à elle, mais aussi à toutes les jeunes femmes qui se prononcent sur la scène publique. Je suis heureuse de voir de plus en plus d’entre elles qui ont du chien, qui se présentent comme étant féministes sans complexe. Mais si elles veulent devenir des leaders, je leur conseille de se rassembler», affirme-t-elle.

La voix de la raison
Si elle quitte la vie politique afin d’éviter un épuisement professionnel, Françoise David considère toutefois que son travail n’a pas été fait que de sacrifices. «J’ai eu une belle vie, une belle carrière politique. Oui, j’ai travaillé fort, on en a fait beaucoup mes collègues et moi et il est vrai qu’être indignée et en colère ça peut vous gruger de l’intérieur, mais la meilleure façon de conserver sa santé mentale, c’est d’agir, de passer à l’action et de combattre les injustices», constate Mme David.

Souvent celle que l’on consultait en premier lorsque venait le temps de parler d’enjeux sociaux, elle s’est aussi trouvée étonnée du fait qu’on la considère parfois comme étant la voix de la raison. «Au moment des dernières élections fédérales, M. Harper avait promis d’interdire le port du niqab lors des cérémonies officielles. De tels propos m’ont dégoûté, surtout parce qu’il prétendait agir en tant que défenseur des droits des femmes, déclare-t-elle. Je me suis prononcé sur ce sujet au téléjournal, et quelques jours plus tard, lors du débat des chefs, trois des aspirants ont repris mes propos. C’est dans des moments comme ceux-là que l’on constate qu’on a un certain pouvoir.»

Françoise David a aussi été dépeinte comme étant la porte-voix de ceux qui n’en ont pas, des plus démunis. Souvent remerciée pour ses gestes portés à la défense des gens vulnérables. «On m’a parfois dit qu’on se fiait à moi, parce que j’avais une influence, mais à ces gens je disais «j’ai du pouvoir, mais il faut que vous soyez avec moi!»

L’union fait la force
Au moment de l’annonce de son départ de l’Assemblée nationale, Françoise David avait décrit l’époque politique dans laquelle nous vivons comme étant «morose». Le lendemain était élu le 45e président des États-Unis, Donald Trump, dont les propos pleins de vitriol et les promesses font craindre pour la santé de la démocratie.

Si elle reste optimiste quant à la relève des forces progressistes ici et ailleurs, Mme David s’inquiète tout de même de la montée du nationalisme supporté par les politiciens populistes autour du globe et au Québec. «Je me sens très attachée à mes racines francophones catholiques et à notre histoire, mais il ne faut pas que le Québec vive dans le passé. Je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas capables de vivre ensemble, de nous entendre. Je resterai toujours une ardente militante pour la défense du français, surtout dans les milieux de travail, mais on peut être syrien et travailler en français, il n’y a pas de contradiction là», assure-t-elle.

Françoise David quitte peut-être le leadership de Québec solidaire, mais elle assure que son parti reste celui du vrai changement, fondé sur les mêmes valeurs qu’à sa conception en 2006. «Si les Québécois veulent du nouveau en 2018, pas seulement quelque chose de cosmétique, je suis convaincue que ça passera par Québec solidaire. Il faudra sans doute que se regroupent les forces progressistes et nous avons démontré que nous étions prêts à ouvrir le dialogue lors de notre dernier congrès. Nous ne pourrons plus rester dans le chacun pour soi», affirme-t-elle.

Grandes réalisations
Un des plus importants accomplissements de la carrière politique de Mme David aura sans doute été l’adoption de la Loi 492, dans laquelle certaines mesures établissent des protections à l’endroit des locataires aînés.

«Ç’a été deux ans de travail à l’Assemblée nationale, mais avant deux autres années à consulter les organismes et la communauté, raconte-t-elle. Les comités de logements viennent me dire que cette loi a permis de prévenir l’éviction de certains locataires, et ça c’est la plus grande récompense pour moi.»

En 1995, Mme David, à l’époque à la tête de la Fédération des femmes du Québec, fut l’instigatrice de la Marche du Pain et des Roses. L’objectif de ce coup d’éclat qui dure 10 jours: faire pression auprès du gouvernement Parizeau afin qu’il mette en place plusieurs mesures d’infrastructures sociales ainsi qu’une loi sur l’équité salariale.

Plus localement, elle a aussi fait pression auprès de l’administration Coderre pour que des organismes  puissent acquérir le 6839 de la rue Drolet. «Chaque fois que je voyais le maire, je lui rappelais ce dossier. Un moment donné, il devait me voir dans sa soupe (rires). Ç’a été un petit coup de pouce que j’ai été heureuse de faire», souligne-t-elle.

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