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Dilma Rousseff: Le chant du cygne

Brazil's suspended President Dilma Rousseff waves to supporters before speaking from the official residence of the president, Alvorada Palace in Brasilia, Brazil, Wednesday, Aug. 31, 2016. In her first remarks after being ousted as Brazil's president, Rousseff is vowing to form a strong opposition front against the new government, saying, "They think that they beat us, but they are wrong." (AP Photo/Leo Correa) Photo: The Associated Press
Dmitry Belyaev - Metro World News

Le Sénat brésilien a mis fin à une longue saga judiciaire, hier, votant à 61 contre 20 pour mettre un terme définitif à la présidence de Dilma Rousseff. Sa destitution fait suite à des allégations de camouflage des déficits publics en amont de sa campagne électorale, il y a deux ans. Le règne de Michel Temer à la tête du pays est donc confirmé jusqu’à la fin du mandat de Mme Rousseff,  qui devait prendre fin le 1er janvier 2019.

Jimena Blanco, directrice du centre de recherche sur l’Amérique latine au sein de la firme de consultation Verisk Maplecroft et Melvyn Levitsky, l’ancien ambassadeur américain au Brésil et professeur à l’école d’administration publique de la Gerald R. Ford School de l’Université du Michigan, ont analysé l’impact de ce vote sur l’avenir du Brésil.

«Le retour de Dilma au pouvoir aurait pu être plus dommageable que sa destitution»

Qu’adviendra-t-il de Dilma Rousseff, maintenant qu’elle a été destituée?
Mme Rousseff a été destituée sous des allégations d’avoir trafiqué les déficits du gouvernement, et non pour corruption : elle ne devrait donc pas faire face à des accusations criminelles. On ne peut écarter, cependant, que l’opération Lava Jato – une grande enquête menée par la police fédérale du Brésil, qui a dévoilé un vaste système de blanchiment d’argent et de corruption autour de la compagnie pétrolière publique, Petrobras – ne trouvera aucun lien direct entre elle et un éventuel financement électoral illicite.

Est-ce que le président Michel Temer est prêt à tenir les rênes du pays?
Temer est un vétéran de la politique brésilienne et sa carrière figure parmi les plus longues, dans l’appareil politique du pays. C’est un excellent négociateur parlementaire et on s’attend à ce qu’il maintienne une base de soutien assez large parmi la députation pour faire passer quelques-unes des réformes structurelles dont le Brésil a besoin pour revenir à la croissance.

L’administration Temer est favorable aux entreprises, ce qui signifie que des réformes touchant aux pensions et au droit du travail devraient être discutées au Congrès au cours de son mandat. Toutefois, l’opposition des syndicats à ces réformes est grande et les moyens de pression issus du monde du travail devraient aller en s’accentuant pendant le règne de Temer.

«La mauvaise gestion du trésor public et la grave crise politique qui ont caractérisé les années Rousseff ont mis en péril les progrès sociaux accomplis par son prédécesseur.» – Jimena Bianco, directrice du centre de recherche sur l’Amérique latine au sein de la firme de consultation Verisk Maplecroft

Comment décrivez-vous le legs de Dilma Rousseff?
L’héritage que laisse Mme Rousseff est celui d’une opportunité manquée : celle de capitaliser et de cimenter les efforts de réduction de la pauvreté de l’administration précédente, dirigée par Luis Inacio Lula da Silva. Résultat: 11 millions de Brésiliens sont présentement sans emploi, et des milliers d’entre eux sont incapables de payer leurs factures.

«Une nouvelle génération émerge au Brésil»

«Dilma Rousseff n’a été impliquée dans aucun scandale de corruption jusqu’à présent, et à moins qu’une accusation inattendue tombe sur elle, l’ancienne présidente redeviendra une simple citoyenne, explique Melvyn Levitsky, ancien ambassadeur américain au Brésil. Elle pourrait briguer un nouveau mandat, comme l’a fait l’ancien président Fernand Collor, lui aussi destitué en 1992, après avoir fait face à des accusations de corruption. Collor a regagné le Congrès après sa mise à l’écart de huit ans… et il est de nouveau accusé de corruption aujourd’hui.»

Celui qui succède à Mme Rousseff, Michel Temer, est aussi impopulaire qu’elle, selon l’ancien diplomate. «La nomination de ministres accusés de corruption – et qui ont déjà dû démissionner à cause de cela – n’augure rien de bon pour la suite de son règne.»

Les choses risquent toutefois de se tasser, bien que la politique du pays demeurera entre parenthèses d’ici à ce qu’une nouvelle administration reprenne les rênes, en janvier 2019, croit M. Levitsky. «L’économie est suffisamment dynamique pour assurer une croissance modeste d’ici là. Beaucoup dépendra des investisseurs et de leur confiance envers leur économie. Je crois qu’il faudra cependant plusieurs années avant que le pays soit de retour sur la voie d’une croissance soutenue. Une réforme du système politique est nécessaire et les dépenses du gouvernement doivent être réduites. Le Brésil devra aussi développer de nouveaux marchés où écouler ses matières premières et ses produits manufacturés. La convalescence du Brésil dépendra aussi de la relance de l’économie mondiale», explique-t-il.

Il y a une lueur d’espoir, cependant : une nouvelle génération de figures publiques commence à émerger au Brésil. Des procureurs, des juges et d’autres personnalités provenant d’autres sphères que la sphère politique semblent déterminer à nettoyer le pays de sa corruption et à promouvoir l’esprit civique au sein de la vie politique et économique du moteur de l’Amérique latine. «L’avenir du Brésil dépend de leur succès», conclut l’ancien diplomate.

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