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Dans les coulisses du sommet de Davos

Inside view at the World Economic Forum in Davos, Switzerland, Tuesday, Jan. 17, 2017. (AP Photo/Michel Euler) Photo: The Associated Press
Julien Arsenault, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

DAVOS, Suisse — Sous haute surveillance et à l’abri des regards indiscrets, la petite ville de Davos en Suisse accueille cette semaine un groupe sélect de visiteurs réunissant des politiciens, des gens d’affaires ainsi que des experts en provenance des quatre coins de la planète dans le cadre du 47e Forum économique mondial. Et au-delà des allocutions et des tables rondes sur les grands enjeux d’actualité, ce rendez-vous annuel exclusif est également l’endroit de prédilection où les participants désireux de faire avancer certains dossiers en profitent pour multiplier les rencontres privées en coulisses dans des hôtels.

Jusqu’à samedi, quelque 3000 personnes prendront part à plus de 400 ateliers qui se pencheront entre autres sur la quatrième révolution industrielle, la mondialisation ainsi que la lutte contre la montée du protectionnisme, au coeur de cette destination populaire pour ses stations de ski.

«C’est un investissement extraordinaire, parce qu’avec un seul billet d’avion, on rencontre le monde entier, se souvient l’ex-premier ministre péquiste Bernard Landry, qui a participé au Forum à plus d’une reprise et également en tant que ministre des Finances de la province. Pratiquement toutes les années, je suis revenu de l’endroit avec d’excellentes prises.»

S’il se déplaçait de temps à autre pour assister à certains ateliers, M. Landry était, comme plusieurs, plus fervent du travail en périphérie dans le but de convaincre des entreprises étrangères de venir s’installer au Québec ou d’y bonifier leur présence.

À l’instar de plusieurs de ses homologues, l’ancien premier ministre s’est toujours envolé à destination du pays des Helvètes avec un agenda rempli de rendez-vous afin d’enchaîner les rencontres sur le terrain.

«L’essentiel de mon temps, je le passais dans un petit bureau loué dans l’hôtel où je logeais pour y rencontrer des entrepreneurs, se souvient M. Landry. Mes dossiers étaient prêts et l’endroit était occupé toute la journée. À Davos, les gens sont là pour ça (brasser des affaires).»

Si l’essentiel des rencontres d’affaires se déroule principalement dans des hôtels de la ville, c’est en raison du caractère exclusif du Forum économique de Davos.

Puisque le nombre d’accréditations permettant d’accéder dans la zone contrôlée du Centre des congrès — où se déroulent les conférences — est limité, il est difficile d’y envoyer une délégation complète, se rappelle Clément Gignac, ancien ministre du Développement économique dans le gouvernement libéral de Jean Charest de 2009 à 2011 et actuellement économiste en chef de l’Industrielle Alliance.

Dans la plupart des cas, les face-à-face d’une durée de 20 à 30 minutes étaient le fruit de six à neuf mois de travail effectué par les hauts fonctionnaires de l’État, se rappelle M. Gignac, impliqué à plus d’une fois dans les rencontres gouvernementales.

«Les gens qui connaissent moins l’événement ont tendance à dire « ils se sont payé un beau voyage aux frais des contribuables » mais ce n’est pas du tout le cas, on ne fait pas le touriste là-bas», lance M. Gignac.

«C’est très rare que l’on puisse rencontrer en peu de temps des dirigeants de multinationales comme Alcoa ou Rio Tinto», ajoute-t-il.

En raison de la tribune qu’offre le Forum économique de Davos, d’autres acceptent également l’invitation qu’on leur offre de prononcer un discours devant un auditoire international à des fins de relations diplomatiques.

Nommé ministre fédéral des Finances sous le gouvernement libéral de Jean Chrétien en 1993, Paul Martin se souvient d’avoir misé sur son passage dans les Alpes suisses pour «passer un message» alors que les finances publiques du pays étaient marquées par les budgets à l’encre rouge.

«C’était important pour moi d’y aller pour parler aux autres pays afin de leur redonner confiance dans l’économie canadienne et pour leur montrer que nous serions capables d’éliminer les déficits et réduire le ratio de notre dette», se souvient M. Martin, qui a également été premier ministre du pays de 2003 à 2006.

«Lorsque vous avez quelque chose à dire ou des idées à défendre, c’est une tribune extraordinaire», ajoute-t-il.

Dans la foulée du vote référendaire du Brexit au Royaume-Uni et l’élection du républicain Donald Trump aux États-Unis, l’ex-premier ministre du Canada croit que cette année, plusieurs intervenants profiteront de la tribune qui leur sera offerte à Davos pour mettre leurs homologues en garde contre les effets du repli sur soi et la montée du protectionnisme.

Regroupant les patrons de grandes multinationales et de dirigeants politiques de grandes puissances mondiales, le Forum économique de Davos compte bon nombre de détracteurs, qui estiment que cet événement n’est que le rendez-vous annuel de riches capitalistes dans les Alpes suisses.

MM. Landry, Martin et Gignac estiment toutefois que les critiques de certains groupes altermondialistes et organisations non gouvernementales ne tiennent pas la route.

«Ces critiques sont injustes, estime M. Gignac. Il s’agit quand même d’un endroit où l’on échange des idées et il y a des représentants à la fois de la gauche et de la droite. On ne prend pas de décision à la fin des ateliers. Chacun peut faire valoir ses arguments.»

M. Landry a abondé dans le même sens, rappelant avoir croisé des chefs d’État comme l’ex-président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva à Davos.

«Il était loin d’être à droite lui, fait-il valoir. Chez les altermondialistes un peu plus extrêmes, dès que l’on prononce les mots « chef d’entreprise » ou « multinationale », nous sommes suspects. C’est une erreur.»

Le professeur à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa Patrick Leblond estime pour sa part qu’à travers les années, il y a eu différentes tentatives de la part des organisateurs du Forum économique pour faire une place aux représentants de mouvements sociaux.

De plus en plus, souligne-t-il, des thèmes comme l’environnement, la santé ainsi que les changements climatiques sont abordés à Davos, ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé.

«Est-ce que cela veut dire que l’on a vraiment ouvert l’événement à ces gens? Il y a eu une certaine ouverture, mais je ne suis pas certain que cela a eu l’impact espéré», nuance-t-il toutefois.

Si M. Leblond concède que certaines critiques des groupes altermondialistes sont parfois «très justifiées», il précise toutefois que ceux-ci ont parfois un discours «dogmatique» qui laisse peu de place à la discussion.

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