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Des Montréalaises se mobilisent pour lutter contre la crise au Venezuela

Photo: Mario Beauregard/Métro

Alors que la crise s’intensifie au Venezuela, des Montréalaises originaires de ce pays d’Amérique du Sud se mobilisent pour rapporter au pays de l’aide médicale, de l’argent et de la nourriture clandestinement.

Le regard bienveillant et accueillant, Liliana Madriz sert deux clients derrière son comptoir. Quelques instants plus tard, quand elle évoque son pays natal, son radieux sourire se fige. «On vit dans un état de stress permanent. On écoute tous les jours les informations, on s’inquiète sans arrêt. On aimerait être là-bas, lutter avec eux», soupire la patronne du Café Cachitos, dans le Quartier des spectacles.

Avec ses deux enfants, Liliana Madriz, 53 ans, a quitté Caracas en 1998, quelques jours après avoir vu son frère se faire kidnapper dans le but de récupérer quelques bolivars, la monnaie locale. «Je voulais leur offrir un avenir, raconte-t-elle. Les problèmes de sécurité m’inquiétaient, mais ce n’était rien par rapport à aujourd’hui.»

«Je parle avec ma mère, qui vit au Venezuela, mais elle ne sait pas exactement ce qu’il se passe. Les médias sont contrôlés par le gouvernement. Tout le monde vit à la fois dans l’ignorance, la peur et l’insécurité» – Liliana Madriz

«Cest notre patrie qui a mal»
Ces dernières semaines, la crise vénézuélienne s’est empirée. Déjà en proie à une crise économique depuis de nombreuses années, le pays fait désormais face à une instabilité politique et institutionnelle.

Après avoir tenté d’annihiler les pouvoirs du Parlement, contrôlé par une opposition grandissante, le président Nicolas Maduro doit désormais composer avec des manifestations d’envergure, jour après jour, dans les rues vénézuéliennes, qui ont causé le décès de huit personnes depuis le début du mois d’avril.

«Ces derniers jours, on a très peu dormi. Chaque nuit, on apprend de mauvaises nouvelles», confie Soraya Benitez, arrivée avec sa guitare comme seul bagage à Montréal en 1997.

Devant la croissance «de la répression et la perte de la démocratie», la chanteuse québécoise a participé en 2014 à la création du Canada Venezuela Democracy Forum, un organisme venant en aide aux citoyens restés au pays.

«Cette situation est très, très dure à vivre», reprend-elle, avant d’évoquer, avec Liliana Madriz, les derniers événements. «On a tous de la famille et des amis sur place, explique-t-elle, la voix encore marquée «par une nuit courte et difficile». Ce sont nos villes, les endroits qu’on a connus lorsqu’on était jeunes. C’est notre patrie qui a mal.»

«Il manque de tout au Venezuela. Le pays traverse une grave crise humanitaire et notre rôle, c’est d’aider notre pays. Même si j’aime Montréal, je ne peux pas oublier ma terre.» – Soraya Benitez

Des envois de médicaments
En compagnie de compatriotes installés à Ottawa, à Toronto et à Calgary, l’organisme multiplie depuis mars 2016 les envois clandestins. Alors qu’une campagne de financement, toujours en cours, a déjà permis de récolter plus de 18 000$, le mouvement, qui envoie également de la nourriture et de l’argent, est essentiellement en quête de médicaments et de matériel médical, tels des seringues, des aiguilles, des gants, du coton et des cathéters.

«Ma nièce et ma mère sont toujours au Venezuela, souligne Carmen Lanza, une employée du Café Cachitos qui, comme le Cacique Grill et l’Arepera, deux restaurants situés sur le Plateau–Mont-Royal, récolte les dons personnels. Elles ont des problèmes médicaux et elles souffrent car on ne trouve rien, ou alors, tout est trop cher.»

Pour pallier cette pénurie dramatique, l’organisme envoie chaque semaine des colis destinés à des médecins ou à des membres du personnel du domaine de la santé «dans des endroits secrets».

«On ne peut pas les envoyer directement aux hôpitaux, car ils sont dirigés par des partisans du gouvernement qui a déjà fait disparaître certains colis, indique Soraya Benitez. On est obligés de faire ça en cachette, mais on s’en fout. On accomplit notre devoir.»

Malgré «la tristesse» actuelle, ces trois femmes gardent «une lueur d’espoir». Leur rêve? «Retourner vivre un jour chez nous, sourit Liliana Madriz. On sait que ça va prendre du temps pour changer le pays, mais je suis sûr qu’il va se passer quelque chose.»

Portrait d’une crise

Sans emploi dans une économie asphyxiée, les Vénézuéliens peinent à voir une issue à leurs problèmes.

«La criminalité augmente de façon alarmante, a affirmé à Métro la journaliste vénézuélienne Johanna Valenzuela. Les hôpitaux sont en crise et les cliniques privées sont inaccessibles pour beaucoup de gens. On observe des violations des droits de la personne, les journalistes et les partis d’opposition sont attaqués par le gouvernement.»

D’après elle, son pays pourrait sortir de la crise si la classe politique décidait de travailler ensemble. «Le gouvernement doit compenser les pertes économiques et investir dans le pays, en arrêtant d’attaquer les compagnies privées et les secteurs qui ne sont pas d’accord avec sa gestion, avance Mme Valenzuela. Autant le gouvernement que les partis d’opposition doivent apporter des solutions et laisser derrière l’affrontement. Ils doivent travailler à trouver des mesures concrètes et admettre leur responsabilité dans la pire crise de l’histoire du Venezuela.»
Felipe Herrera Aguirre/Metro World News

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