Soutenez

Les peuples autochtones face à la mondialisation

SAO LUIZ DO TAPAJOS, BRAZIL - NOVEMBER 27: Members of the Munduruku indigenous tribe gather along the Tapajos River during a "Caravan of Resistance'" protest by indigenous groups and supporters who oppose plans to construct a hydroelectric dam on the Tapajos River in the Amazon rainforest on November 27, 2014 in Sao Luiz do Tapajos, Para State, Brazil. Indigenous groups and activists travelled by boat from communities along the river to express resistance to the proposed 8.040- MW Sao Luiz do Tapajos mega-dam, which is one of a series of five dams planned in the region that will flood indigenous lands and national parks. The United Nations climate conference is scheduled to begin December 1 in neighboring Peru. (Photo by Mario Tama/Getty Images) Photo: Getty Images

Alors qu’on souligne en 2017 le 10e anniversaire de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et à la veille de la Journée internationale qui leur est consacrée, Métro fait un tour d’horizon de la situation d’une population à l’avenir assombri par les effets néfastes de la mondialisation.

L’humanité ne semble jamais s’être autant investie dans la technologie qu’aujourd’hui. Les ressources et les efforts mis afin de développer un produit qui va améliorer la qualité de vie sont énormes. Chaque jour, des inventions rythment l’actualité, que ce soit une percée en intelligence artificielle, de nouveaux véhicules automatiques ou des prothèses bioniques.

Toutefois, une partie de la planète souffre davantage des effets négatifs de la technologie : les communautés autochtones, qui représentent 5% de la population mondiale (370 millions de personnes).

Elles sont touchées de plein fouet par les impacts des entreprises forestières et de la contamination des mines ainsi que par la perte de territoires au profit de la production agroalimentaire et de l’élevage animal.

Et il y a aussi l’assassinat de défenseurs de l’environnement. Selon un récent rapport de Global Witness, une ONG internationale spécialisée dans les conflits entre l’industrie et les peuples autochtones, des 200 militants tués dans 24 pays en 2016, 120 étaient d’origine autochtone. «Ç’a été l’année la plus meurtrière», a déclaré à Métro Billy Kyte, de Global Witness.

Protéger les langues autochtones
De 6000 à 7000 langues sont parlées dans le monde, mais la plupart risquent de disparaître. Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), 90% d’entre elles auront disparu d’ici 100 ans.

Avec l’arrivée des langues des pays coloniaux puis leur universalisation, les langues locales ont été de moins en moins utilisées. Et même si des programmes de préservation et de recensement de ces dialectes ont été mis en place – comme le programme Documentation de langues en danger (DOBES), de la Fondation Volkswagen –, il est peut-être déjà trop tard.

Pauvreté
Selon des données de l’ONU, être un membre des populations autochtones est souvent synonyme d’être pauvre. La situation ne se cantonne pas aux pays les moins riches, comme ceux d’Amérique latine, puisqu’aux États-Unis, par exemple, «les peuples autochtones se trouvent derrière les populations non autochtones dans la majeure partie des statistiques sur le bien-être». Parmi les facteurs explicatifs: un plus faible accès aux services de base et à l’éducation, ce qui fait baisser l’espérance de vie. De plus, les taux de chômage sont plus élevés. En Australie, l’espérance de vie des aborigènes est de près de 20 ans inférieure à celle de leurs compatriotes non aborigènes. Par ailleurs, l’obésité, le diabète de type 2 et la tuberculose sont les principaux problèmes de santé qui affectent les populations autochtones des pays développés.

Changements climatiques
À cela, il faut ajouter les changements climatiques, qui toucheront directement les populations autochtones de la planète, si ce n’est pas déjà le cas. Le réchauffement de la planète frappera davantage les plus pauvres, en raison de leur manque de ressources et d’accès aux moyens pour y remédier.

La Banque mondiale craint qu’en raison des changements climatiques, l’objectif d’éradication de la pauvreté ne soit jamais atteint. «Pour beaucoup de peuples autochtones, les changements climatiques peuvent tout bonnement menacer leur existence ou sont, à tout le moins, un enjeu majeur en matière de droits de la personne et d’équité», rappelle de son côté l’ONU.

Les nomades tibétains font face à de nombreux défis quant à leur mode de vie, dont les pressions politiques, les changements climatiques et la modernisation rapide.

Protéger les territoires ancestraux

Entretien avec Billy Kyte, chef de campagne à Global Witness

Quelles sont les principales menaces auxquelles doivent faire face les minorités?
L’organisation Global Witness a répertorié, en 2016, 200 morts de militants écologistes ou d’environnementalistes – l’année la plus meurtrière enregistrée jusqu’à maintenant. Au moins 40% des victimes sont issues de communautés autochtones. Ces chiffres montrent que les peuples autochtones subissent de terribles violences, mais qu’ils reçoivent peu – ou pas – de protection. Les entreprises avides, dont la plupart œuvrent dans les secteurs de l’exploitation minière ou de l’agroalimentaire, empiètent de plus en plus sur les terres autochtones riches en ressources naturelles puisque encore inexploitées. Jusqu’à très récemment, ces régions éloignées étaient hors de portée, mais au fur et à mesure que les prix des produits de base augmentent, les entreprises prennent de plus grands risques pour obtenir des bénéfices plus importants. Et la demande de terres agricoles entraîne des violences entre les grands propriétaires fonciers et les peuples autochtones.

Quel effet a eu la mondialisation sur ces communautés?
La survie culturelle des peuples autochtones est menacée. La protection de leurs territoires ancestraux est primordiale non seulement parce qu’il s’agit d’une source de subsistance pour les peuples autochtones, mais aussi parce qu’ils font perdurer leur identité et leur mode de
vie traditionnel. Moins de 6% de la population mondiale fait partie des peuples autochtones, mais leurs territoires couvrent 20 % des terres sur la planète, souvent dans des zones relativement intactes.

Quelles sont les autres menaces?
Un des facteurs menaçants pour les peuples autochtones est l’échec des gouvernements et des entreprises à reconnaître leurs droits de décider ce qui se passe sur leurs terres. Les peuples autochtones entrent en conflit avec les entreprises, souvent soutenues par l’État, qui cherchent à développer leurs terres ancestrales sans leur consentement. Les gouvernements de certains des pays les plus dangereux pour les écologistes et les environnementalistes – Brésil, Colombie et Honduras – sont obligés, en vertu du droit international, d’obtenir des communautés autochtones un consentement juste et informé avant d’entamer un quelconque projet. Ce qui implique que les autochtones doivent être informés à chaque étape d’un projet ayant des impacts potentiels sur leur vie et ainsi décider d’accepter ou non sa réalisation. Mais en pratique, c’est souvent ignoré et cela conduit à des conflits.

Comment ces problèmes peuvent-ils être résolus?
Les gouvernements et les entreprises doivent prendre des mesures pour lutter contre les causes profondes des attaques visant les peuples autochtones. Ils doivent s’assurer que les communautés autochtones peuvent faire des choix éclairés quant à l’utilisation de leurs terres et de leurs ressources, qu’elles sont protégées par des lois et que les cas d’abus dont elles sont victimes sont punis. Cela devrait impliquer une poursuite en justice non seulement des responsables de ces attaques, mais aussi de ceux qui les ont commises, et il faudrait étendre ces poursuites aux acteurs qui n’ont pas protégé ces défenseurs afin qu’ils subissent les conséquences de leur inaction.

À quoi peut-on s’attendre dans l’avenir?

La lutte pour les ressources naturelles s’intensifie. De plus en plus, les industries empiètent sur des zones intactes et riches en ressources. Ces industries – telles que l’exploitation minière, l’agriculture, l’hydroélectricité et l’exploitation forestière – entrent en conflit avec les membres des communautés locales, qui n’ont souvent aucun mot à dire en ce qui concerne leurs terres et leur environnement. Lorsqu’ils s’opposent à des projets abusifs, ils sont menacés, attaqués et parfois tués. L’impunité signifie que les auteurs de ces meurtres ne sont presque jamais tenus responsables. Et ça génère de plus en plus de violence. L’année dernière, nous avons vu davantage d’assassinats de militants écologistes – par exemple, le meurtre de plusieurs activistes renommés, dont Berta Cáceres et un autre gagnant du prix Goldman –, alors que les autorités et les entreprises savent qu’elles s’en sortiront sans dommages.

À lire aussi: Préserver la culture autochtone en créant des milieux de vie

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.