Soutenez

Ces enfants qui deviennent des bombes humaines

La semaine dernière, l’UNICEF révélait que 83 enfants avaient été utilisés comme bombes humaines par le groupe islamiste Boko Haram dans le nord-est du Nigeria depuis le début de l’année, soit quatre fois plus qu’en 2016.

Pas moins de 55 de ces enfants sont des jeunes filles, et la plupart ont moins de 15 ans. Métro s’est entretenu de cette situation alarmante avec la directrice des communications d’UNICEF Nigeria, Doune Porter.

Quelle est la situation dans le nord-est du Nigeria?
Depuis 2009, près de 6 000 en­­fants ont été détenus par Boko Haram. Certains ont été kidnappés, comme le groupe de jeunes écolières de Chibok il y a deux ans et demi, mais ils n’ont pas tous été enlevés de la même façon. Certains l’ont été quand leur village a été pris par Boko Haram. Les enfants tombent donc entre les mains des islamistes de différentes façons. Mais peu importe, les histoires que nous entendons sur leur sort sont horrifiantes et tragiques. Certains enfants sont utilisés dans les conflits armés, sont tués, des filles sont forcées à se marier – entre guillemets –, sont violées et battues à répétition, et finissent par avoir des enfants. Mais la plus horrible façon dont ces enfants sont employés est cet usage très calculé de bombes humaines.

Comment réussit-on à faire commettre de telles atrocités à des enfants?
On les y force, en menaçant leur famille; on les leurre jusque dans les lieux publics; on les drogue parfois. Des fois, ils ne savent même pas ce qu’ils font et on fait exploser la bombe à distance. C’est une véritable atrocité et c’est important de souligner que ces enfants sont des victimes du conflit. On ne peut pas les percevoir comme des auteurs, et c’est pourquoi nous les appelons «bombes humaines» et non «kamikazes».

Pourquoi Boko Haram se sert-il d’enfants de cette façon?
Nous ne pouvons que spéculer sur leurs motivations. Ils ont commencé à agir ainsi en 2014, et c’est probable qu’ils l’aient fait, car c’était plus facile pour des enfants d’échapper aux contrôles de sécurité, puisqu’ils sont vus comme moins menaçants. Toutefois, cela n’est plus aussi vrai. Tant d’enfants ont été des bombes humaines que les forces policières se méfient maintenant de tout le monde. Et puis, il est plus facile de leurrer, de contraindre ou d’endoctriner des enfants.

«C’est une augmentation inquiétante. Dans le nord-est du pays, et par­ticulièrement dans l’état de Borno, la situation est très tendue.» –Doune Porter, directrice des communications d’UNICEF Nigeria

Y’a-t-il une crainte des enfants en raison de ce recours plus fréquent aux bombes humaines?
L’UNICEF travaille justement à la protection des enfants qui ont été libérés après avoir été détenus par Boko Haram. Les enfants sont traumatisés à cause de ce qu’ils ont vécu, mais lorsqu’ils reviennent dans leur communauté, ils sont vus avec crainte et suspicion. C’est une toute nouvelle couche de traumatisme. Nous leur offrons donc du soutien psychosocial. Nous travaillons aussi avec les familles, les leaders religieux, les doyens et les femmes influentes pour aider les communautés à accepter ces enfants, à comprendre ce qu’ils ont vécu et à les réintégrer.
La stigmatisation est particulièrement forte envers les filles qui reviennent avec des enfants issus des violences sexuelles qu’elles ont subies pendant leur captivité. C’est une situation très difficile.

Est-ce que d’autres dangers guettent les enfants au Nigeria?
Nous prévoyons que 450 000 enfants souffriront de malnutrition sévère cette année. C’est une situation dangereuse pour des enfants, car ils ont neuf fois plus de chances de mourir d’une maladie comme une pneumonie ou la malaria s’ils sont sous-nourris.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.