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Vent de guerre froide sur la Baltique

TAPA, ESTONIA - MARCH 23: A soldier of the Estonian Defence Forces aims his machine gun to defend his position during a joint military combat exercise with US Army troops on March 23, 2017 near Tapa, Estonia. Troops of the US Army 4th Infantry Division, based out of Fort Carson, Colorado, are participating in a rotation to boost the defensive capabilities of the Estonian Defence Forces under the NATO-led Operation Atlantic Resolve. NATO member states are contributing troops to the operation in Estonia, Latvia, Lithuania and Poland in an effort to deter Russian military intervention. (Photo by Sean Gallup/Getty Images) Photo: Getty Images

Alors que l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) renforce les frontières de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie, la Russie s’apprête à tenir un exercice militaire annuel d’une ampleur jamais vue depuis la guerre froide. Métro s’est penché sur les tensions dans cette région du monde.

Les tensions sont vives à 
la frontière nord-est de l’Union européenne et de la Russie, près de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie, toutes trois membres de l’Union européenne, avec la Pologne, depuis 2004.

En 2010, les pays baltes avaient demandé le soutien militaire de l’OTAN, par peur des Russes. Quatre ans plus tard, leurs craintes se sont confirmées. En février de la même année, la Russie a lancé une offensive dans les régions orientales de l’Ukraine. L’attaque a abouti à l’annexion de la Crimée et à une guerre qui dure toujours dans l’est du pays. Pour se justifier, la Russie affirme qu’elle défend ceux qui se considèrent comme des citoyens russes.

Depuis 2014, les budgets de défense des pays baltes ont doublé. Ils devraient encore augmenter dans les deux prochaines années, selon ce que rapporte le cabinet de consultants IHS Jane. Les trois pays, qui investissaient 210M$US dans la défense en 2014, sont passés à 390M$US en 2016. Ce montant devrait grimper à 670M$US en 2018.

Le déploiement, en novembre 2016, des missiles balistiques de courte portée Iskander dans l’enclave de Kaliningrad a forcé l’OTAN à augmenter ses contingents et 
à participer à des exercices 
militaires conjoints. Des troupes des Forces armées canadiennes sont d’ailleurs à l’heure actuelle en Lettonie, sous l’égide de l’OTAN. Au moins 2000 soldats de l’organisation sont venus renforcer les troupes locales. Les pays baltes croient qu’en raison de la supériorité des forces militaires russes, une avancée de celles-ci vers l’ouest pourrait s’accomplir «en 72 heures».

Provocations croisées
La Russie tiendra un exercice militaire, Zapad 2017, du 14 au 20 septembre. L’exercice, dont le nom signifie «ouest» en russe, se déroule tous les quatre ans à la frontière occidentale du pays et au Bélarus.

Plus de 12 000 soldats russes et biélorusses y participeront, selon le gouvernement russe, mais des analystes occidentaux cités par le quotidien britannique The Guardian ont avancé que ce nombre pourrait être beaucoup plus grand.

Les autorités russes ont indiqué que le déploiement des troupes de l’OTAN dans les pays baltes et en Pologne est une menace pour leur pays. «Il faut être conscient que, si des infrastructures militaires s’approchent des frontières russes, nous prendrons des dispositions», a indiqué Sergei Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères.

La présidente lituanienne, Dalia Grybauskaite, avait dit en février: «Nous voyons que les dangers augmentent et nous sommes préoccupés par les exercices militaires de la Russie, qui déploiera une force très agressive à la frontière. Elle sera ainsi prête pour une opération militaire de plus grande envergure dans l’ouest.»

«Les scénarios les plus farfelus ont été évoqués. Certains ont même prétendu que le Zapad servirait de plateforme pour envahir et occuper La Lituanie, l’Ukraine et la Pologne.» –Alexander Fomin, ministre de la Défense russe, qui a balayé du revers de la main les craintes des pays limitrophes la semaine dernière.

L’influence américaine
Lors d’une visite en Lituanie en 2014, le président américain d’alors, Barack Obama, avait dit que l’OTAN défendrait les pays baltes «comme s’ils étaient Paris ou Londres». Cela avait calmé les autorités des trois petits pays européens.

Cependant, l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche et son enthousiasme à l’égard de la Russie et de Vladimir Poutine ont remis en question le rôle des États-Unis, principal soutien de l’OTAN dans l’alliance militaire.

Dans le discours qu’il a prononcé en juillet à Varsovie, en Pologne, M. Trump a assuré que les États-Unis défendraient les traités de l’OTAN et que, par conséquent, ils combattraient toute forme d’agression contre les États baltes. Toutefois, M. Trump n’est pas M. Obama, et sa 
présence, selon les experts, ne garantit pas la stabilité.

Une histoire commune

Les trois petites républiques du nord-est de l’Europe comptent, réunies, un peu plus de six millions d’habitants. Elles ont toutes trois été annexées par l’Union soviétique en 1940, dans le cadre du pacte de non-agression signé par les Soviétiques et les nazis. L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont subi la guerre et connu les rigueurs des goulags de Sibérie.

Les politiques dites de russification dans la région ont permis à la population russe de devenir la plus importante minorité. Si, en Lituanie, les Russes ne représentent que 6% de la population, en Estonie, ils sont 25% et, en Lettonie, pas moins de 35%. Dans des villes comme Narva, à la frontière nord de l’Estonie, les descendants russes célèbrent le 9 mai le jour de la Victoire [commémoration de la signature à Berlin de l’acte de capitulation de l’Allemagne nazie face aux troupes alliées] comme s’ils étaient en Russie. La rivière Narva est une frontière naturelle entre l’Estonie (donc l’Union européenne) et la fédération russe. Deux forteresses servent de refuges aux sentinelles qui s’observent nuit et jour.

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Provocations russes

Entrevue avec John Herbst, ancien ambassadeur américain en Ouzbékistan et en Ukraine.

Quelles sont les principales préoccupations de l’OTAN à propos de la frontière entre les pays baltes et la Russie?
En fait, le Kremlin considère qu’il est dans son droit, et que son devoir est de protéger les ethnies russes et les russophones, peu importe où ils vivent. En Estonie, environ 25% de la population est soit russe, soit russophone. C’est la même chose en Lettonie. En Lituanie, il n’y a que 6% de Russes, même s’il y a plus de gens qui parlent la langue de ce pays. Moscou insiste sur le fait que les pays baltes ne traitent pas leurs ressortissants d’origine russe et les russophones comme il se doit. Elle prétend qu’il s’agit d’une violation des droits de l’homme. De plus, la Russie pourrait saisir des navires battant pavillon estonien, lituanien ou letton dans les eaux internationales, comme elle l’a fait en 2014 avec un bateau lituanien. Par ailleurs, toujours en 2014, le jour où le sommet de l’OTAN a pris fin, [les autorités russes] ont enlevé et amené à Moscou un officier de contre-espionnage estonien.

Dans quelle mesure une invasion russe dans les pays baltes est-elle possible?
Ces pays sont membres de l’OTAN, et je ne pense pas que Moscou lancera une opération militaire contre eux ou qu’elle enverra ses troupes pour les envahir, car elle craint que cela dérange l’OTAN. Par contre, elle n’a aucun problème à provoquer pour déstabiliser. C’est le genre de choses auxquelles l’OTAN n’est pas préparée. Bien sûr, la Russie pourrait lancer une guerre «hybride» et déclarer qu’elle n’est pas impliquée. Exactement comme ce qui 
se passe en Ukraine.

Quelle est la relation entre les pays baltes et la Russie?
Les Russes continueront leurs provocations contre les pays baltes, qui sont par conséquent ravis que les troupes de l’OTAN soient déployées sur leur territoire dans le cadre d’une mission de défense. C’est une sorte de mise en garde lancée à Moscou.

Croyez-vous que Vladimir Poutine ait l’intention d’agir dans les pays baltes comme 
il l’a fait en Ukraine?
Vu que la réponse de l’Occident après l’invasion de l’Ukraine a été plus forte que ce à quoi M. Poutine s’attendait, il sait que ce serait une erreur de réaliser une opération militaire similaire dans les pays baltes. Cela dit, on ne peut affirmer avec certitude qu’il ne le fera jamais.

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