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Live in Color: tisser les liens de l’intégration

Multiethnic group of young people putting their hands on top of each other. Close up image of young students making a stack of hands. Photo: Getty Images/iStockphoto

Cet article est publié à l’occasion de la Journée internationale de la paix dans le cadre de l’initiative de journalisme d’impact de Coding for Peace / Coder pour la paix, une organisation sans but lucratif vouée à faire émerger des solutions pour promouvoir le pacifisme et lutter contre la haine.

À Liège, en Belgique, l’association Live in Color propose bénévolement aux réfugiés des formations et des activités. Au cœur de cette démarche, une formule originale de parrainage de familles et de mineurs étrangers non accompagnés (Mena) par des citoyens locaux. Les jeunes qui en bénéficient en sortent métamorphosés.

«Où est Haziz? Il ne voudrait pas venir traduire la discussion? Je ne parle pas bien français, s’excuse timidement Amir, 17 ans… «et demi», ajoute-t-il en souriant, gêné, mais fier d’avoir apporté cette précision.

Tout de jean vêtu, Amir est assis à côté de sa marraine, Maggi, qui l’observe d’un œil malicieux, mais surtout bienveillant, alors qu’il répond d’une voix timide.

Il ne faut pas longtemps pour noter la complicité qui unit ce jeune Afghan de la région de Kandahar à Maggi, mère de famille belge de la région liégeoise.
«Notre rencontre tient du hasard. Je voulais agir, quelle que soit la tâche», raconte-t-elle de manière posée, mais enthousiaste. Elle a donc répondu à une collecte de vêtements organisée par Nadine Lino, la fondatrice de l’association Live in Color, rencontrée dans un centre d’accueil de la Croix-Rouge.

Les choses vont ensuite s’enchaîner rapidement. Touchée par la situation que vivent les réfugiés depuis la guerre des Balkans (dans les années1990), cette éducatrice spécialisée dans l’accompagnement des personnes handicapées se lance sans trop savoir à quoi s’attendre dans l’aventure du parrainage proposée par Live in Color.

La rencontre a eu lieu le 8 mars. «Au départ, le dialogue se faisait avec les quelques mots de français qu’il connaissait… Aujourd’hui, il est introduit dans la famille», se réjouit-elle.

Un maillon manquant
«C’est moi qui ai demandé une famille, se souvient le jeune homme. Au centre de la Croix-Rouge, j’étais seul.»

Un constat qu’avait également fait la fondatrice de l’association Live in Color. «La situation des jeunes dans ces centres est désastreuse. Ils sont livrés à eux-mêmes, lâchés dans un système administratif kafkaïen! Et atteindre l’âge de la majorité s’assimile à un saut dans le vide!» se désole Nadine Lino.

Live in Color est née pour combler ce maillon manquant dans la chaîne d’accompagnement des demandeurs d’asile. Le parrainage de familles (à partir de l’obtention du statut de réfugié) et de mineurs non accompagnés (Mena – sans condition de statut et jusqu’à leurs 21 ans) est considéré comme un «prétexte à l’intégration».

Une intégration vue comme «une interaction, un processus dynamique entre deux parties». Chacune faisant un pas vers l’autre.
Autour de ce service, toujours bénévole, gravitent une centaine de volontaires. Ces derniers animent des cellules qui développent des projets annexes : formations, activités, rencontres, collectes de fonds…

«L’encadrement est professionnel, tient à préciser Mme Lino. Les bénévoles sont qualifiés et mettent leurs compétences au service du projet.» On y trouve des avocats, des professeurs, des cadres et des chefs d’entreprise.

«Un attachement fort et définitif»
Entre Amir et Maggi, les contacts sont quotidiens. «On s’écrit sur Facebook. On prend des nouvelles l’un de l’autre. En plus, ça l’aide à apprendre la langue!» commente la “marraine”.

Les semaines sont rythmées par les rendez-vous scolaires, les sorties en ville, culinaires ou culturelles. Parfois, ils vont jusqu’à Bruxelles. Bientôt, ils iront à la mer. «Au départ, les contours étaient flous. Mais la relation se met en place et évolue avec le temps.» Et les liens tissés en à peine six mois se consolident de jour en jour.

«Je suis content», répète Amir avec sincérité. Les mots lui manquent cependant pour décrire ses sentiments. «J’ai trouvé une bonne marraine. Elle est toujours là pour moi», souligne-t-il. «C’est parfois compliqué de savoir quelle place on occupe. Je ne ne veux pas être intrusive, mais je veux aussi lui montrer qu’il peut compter sur moi», embraie Maggi.
Gêné, mais sûr de lui, Amir l’interrompt alors : «C’est une bonne marraine parce que… c’est comme une maman», lâche-t-il sous le regard visiblement ému de Maggi.

«C’est vrai que nous avons une relation de confiance. L’attachement est fort et définitif, commente-t-elle. Si ça avait été possible, il vivrait avec nous.»

«Ces relations me donnent foi en l’être humain! Les jeunes sont métamorphosés. Ils y trouvent de réelles motivations à apprendre la langue, ils comblent un vide affectif béant, constate Nadine Lino. Cela change la famille, les amis, l’environnement dans son ensemble», dit-elle, constatant l’apport de ses deux filleules à son propre fils, âgé de neuf ans.

Aujourd’hui, Live in Color est devenue une partenaire des institutions, des centres d’accueil, des maisons sociales et d’autres centres publics d’action sociale avec qui cette chef d’entreprise travaille en étroite collaboration.

Renvoi d’ascenseur
Des citoyens défilent en un joyeux courant d’air dans les bureaux de l’association, des sacs de vivres non périssables au bout des bras. Ils répondent à l’appel de Nadine pour venir en aide aux quelques centaines de migrants à nouveau obligés de camper dans un parc de la ville, qui jouxte le bâtiment de l’Office des étrangers à Bruxelles.

En arrivant en Belgique, Amir a lui-même fréquenté le lieu au plus fort de la crise. Il dormait dans la gare du Nord, juste à côté.

Un an et demi après cet épisode, celui qui a emprunté, après l’Iran et la Turquie, la route des Balkans, retournerait bien dans son pays natal pour retrouver ses parents, ses deux frères et ses trois sœurs… à la condition d’y être en sécurité. Une éventualité dont il semble fortement douter.

Amir a obtenu la protection subsidiaire. Rien ne garantit donc qu’il pourra faire sa vie en Belgique. Il s’accroche et suit les cours de français et de mathématiques donnés par Live in Color plusieurs fois par semaine.

«Je préfère être bien occupé et puis j’aime bien l’école. En Afghanistan, la mienne avait fermé…»

La vie arc-en-ciel
«Je n’ai de couleur que celles de Live in Color.» Nadine Lino le dit avec naturel et simplicité. On ne lui collera donc aucune étiquette. Ni celle d’une affiliation politique ni celle de travailleuse sociale. Elle revendique cette indépendance qui lui donne une grande liberté d’action, mais aussi une liberté de ton.

Le dégradé de couleurs qui illustre le logo de l’association qu’elle a créée en 2015 symbolise celles des personnes qu’elle rencontre. Qu’elles soient d’ici ou d’ailleurs importe peu. Mme Lino a choisi de ne pas mettre de distance entre elle et ces personnes qui entrent dans sa vie depuis maintenant deux ans.

L’important à ses yeux est d’amener les gens à se rencontrer, se découvrir et se mélanger.

La quarantaine a pris chez elle les formes de l’engagement. Devant la crise de l’accueil qui se joue lamentablement dans les rues de Bruxelles, elle se met en mouvement et lance une collecte de vêtements. Peu de temps après, 70 m3 de tissus en tout genre remplissent les bureaux de son entreprise de communication. Un succès qu’elle n’aurait jamais imaginé.

«On n’entend que les racistes décomplexés s’exprimer à grands cris, alors qu’il y a tant d’autres citoyens qui s’engagent», commente-t-elle à ce propos. C’est le point de départ de son engagement à elle : une association fondée sur «les valeurs de citoyenneté, de solidarité, d’humanité et d’amélioration du vivre ensemble».

Des dizaines de personnes vont marcher dans le sillage de cette mère de famille. «Le succès de l’association traduit le manque de sens dans notre société. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui cherchent à être utiles. À faire la différence…»

Deux ans après avoir frappé à toutes les portes, entrepris de multiples démarches auprès des institutions et des centres d’accueil, Nadine Lino a fini par se faire une place dans le paysage de l’accompagnement des demandeurs d’asile, principalement des mineurs non accompagnés (Mena). «On dépasse largement le but fixé au départ», sourit-elle. L’association est en effet victime de son succès et sollicitée de toutes parts.

Récemment, Live in Color a été reconnue Centre agréé du parcours d’intégration par la Région wallonne dans le cadre du parcours éponyme devenu obligatoire. Des subsides publics accompagnent ce statut et devraient lui permettre de rémunérer un professeur ou un responsable administratif.

Visitez le site web codingforpeace.org pour lire l’ensemble des articles et des dossiers écrits.

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