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Un caractère différent à la contestation en Iran

MONTRÉAL — Les manifestations qui secouent l’Iran depuis près d’une semaine impliquent les couches plus populaires de la société et se déroulent un peu partout à travers le pays, ce qui en fait un mouvement unique dans l’histoire récente de la République islamique, selon plusieurs observateurs.

La contestation contre le budget du gouvernement du président Hassan Rohani ayant coupé les subventions et fait grimper les prix des denrées de base touche particulièrement les villes de province, plutôt que Téhéran, et les milieux plus populaires, a souligné Samir Saul, professeur d’histoire des relations internationales à l’Université de Montréal.

«C’est dans plusieurs villes en même temps. Ça, c’est nouveau par rapport aux manifestations ponctuelles, limitées, qu’il y a eu ces dernières années sur diverses questions. Cette fois-ci, ça se développe d’une manière large sur le plan géographique à travers le pays, ce qui amène à regarder du côté des politiques du gouvernement», a souligné M. Saul, mardi, en entrevue avec La Presse canadienne.

Selon Amir Khadir, député de Québec solidaire d’origine iranienne, le régime en Iran fait face «à la menace la plus importante des dernières années».

«Jamais, dans l’histoire récente de l’Iran, les revendications véhiculées et les slogans n’ont été aussi radicaux. Les gens demandent carrément l’expulsion et le renversement du régime, ce qui n’était pas le cas en 2009», a fait valoir M. Khadir, en référence au soulèvement survenu il y a huit ans contre «les irrégularités électorales qui avaient permis (au président Mahmoud Ahmadinejad) de voler les élections».

M. Khadir a souligné la richesse affichée d’une petite élite qui entoure le clergé, le guide suprême et les mollahs.

«C’est un peu le même tableau qu’en Occident, où on voit des élites très riches et des écarts de richesse qui se creusent, mais dans un pays comme l’Iran, où il y a des conséquences importantes de sanctions économiques occidentales, tout ça aggrave la situation», a-t-il fait valoir.

Tout de même, M. Saul estime que le gouvernement iranien pourrait «désamorcer l’essentiel des manifestations (…) en retirant les mesures économiques».

Des débordements redoutés

Les deux observateurs craignent une amplification des débordements et des violences.

«S’il y a des gens qui tirent avec des armes à feu, on aura un débordement très grave pour le gouvernement iranien. On a vu en Syrie et en Ukraine des tireurs embusqués qui émergent de nulle part et qui tirent sur les deux parties de manière à faire flamber la situation. On passerait alors à des violences de grande échelle. La situation deviendrait une crise politique», a affirmé le professeur d’histoire à l’Université de Montréal.

Le député de Québec solidaire a dit craindre les agissements d’un «régime dictatorial qui punit et réprime sévèrement toute contestation», et a par ailleurs souligné l’influence des puissances étrangères.

«Dans tout ça, malheureusement, les États-Unis, et leurs alliés, Israël et l’Arabie saoudite en premier, veulent (…) en quelque sorte profiter de la situation pour mener à bien leur propre dessein, qui est une déstabilisation qu’on a connue ailleurs, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye», a affirmé M. Khadir.

M. Saul a dit croire pour sa part que l’Iran «n’a pas tort de penser que ses ennemis à l’étranger veulent voir un changement de régime».

«Ses ennemis sont très clairement affirmés, ils ne se cachent pas: États-Unis, Israël et Arabie saoudite. Ces trois-là disent qu’il est temps que le régime soit renversé et ils favorisent la transformation de ces manifestations économiques en manifestations politiques qui pourraient prendre des formes armées. C’est pourquoi la police se restreint et n’agit pas d’une manière trop brutale à ce stade pour éviter qu’il y ait des morts et des images qui seraient transmises immédiatement dans le monde qui donneraient l’impression que tout est à feu et à sang et que le régime doit être renversé parce qu’il est criminel», a-t-il soutenu.

M. Khadir a affirmé que le peuple iranien avait besoin plus que jamais de l’«appui d’autres peuples», soulignant que les syndicats, organisations féministes et autres groupes populaires au Québec sont «appelés à appuyer les initiatives que va prendre la diaspora iranienne», notamment lors de deux manifestations prévues au square Phillips, à Montréal, jeudi et samedi.

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