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Le Vietnam se souvient du massacre de My Lai

Young dancers participate in a performance during a ceremony to remember victims of My Lai massacre in My Lai, Vietnam Friday, March 16, 2018. More than a thousand people attend the commemoration marking the 50th anniversary of the My Lai massacre in which 504 unarmed civilians, most of them women, children and the elderly. (AP Photo/ Hau Dinh) Photo: AP
Tran Van Might et Grant Peck - The Associated Press

MY LAI, Viêtnam — Les souhaits de paix et de réconciliation ont pris le dessus vendredi au Vietnam, dans le cadre des cérémonies organisées pour commémorer le 50e anniversaire du massacre de My Lai.

Des survivants, mais aussi d’anciens militaires américains, ont participé aux cérémonies dans ce village où 504 villageois vietnamiens inoffensifs — principalement des femmes, des enfants et des vieillards — ont été massacrés en l’espace de quelques heures, le 16 mars 1968.

Il s’agit de l’épisode le plus sanglant de l’histoire militaire américaine moderne.

On trouvait parmi le millier de participants le sergent Ron Haeberle, qui a photographié les suites du massacre, et Tran Van Duc, qui n’avait que six ans au moment des événements et dont la mère décédée a été photographiée par M. Haeberle.

Les deux hommes se sont liés d’amitié après s’être rencontrés en 2011. M. Duc vit en Allemagne et un cinéaste allemand a utilisé Facebook pour le mettre en contact avec M. Haeberle, qui lui habite dans l’Ohio.

M. Duc s’est souvenu des soldats américains qui se sont présentés chez lui après s’être posés en hélicoptère. Les militaires les ont menés — sa mère, ses quatre frères et soeurs, et lui — sur un sentier, où d’autres soldats ont ouvert le feu.

«Les Américains avaient installé des mitrailleuses sur le pont, a-t-il raconté à l’Associated Press, puis ils ont commencé à nous tirer dessus. À ce moment-là j’ai été témoin de la pire scène de ma vie… les cris, les cris de terreur. Ma mère m’a poussé dans la rizière, donc j’ai survécu.»

Blessée au ventre et à la cuisse, la mère de M. Duc a tenté de les protéger, sa soeur de 14 mois et lui. Après la fusillade, les soldats sont repartis vers le village. La soeur de M. Duc a commencé à pleurer et leur mère, craignant qu’elle n’attire l’attention des soldats, lui a ordonné de l’amener jusque chez leur grand-mère, à sept kilomètres de là.

«Conduis Ha chez grand-maman. Si vous restez ici, les soldats américains vont vous tuer quand ils vont revenir», sont les derniers mots qu’il a entendus d’elle.

Agrippant sa soeur, M. Duc s’est retourné et vu sa mère qui essayait d’attraper un sac avec lequel épancher le sang qu’elle perdait, mais il savait qu’elle était touchée grièvement.

Quand sa grand-mère et d’autres villageois sont revenus pour récupérer les restes de leurs proches, les corps avaient déjà été enterrés. Ha et une autre soeur ont survécu, mais M. Duc a perdu deux de ses soeurs.

MM. Duc et Haeberle ont visité le sentier où des dizaines de personnes ont été fauchées.

Les photos ahurissantes de M. Haeberle ont été publiées pour la première fois en novembre 1969 par The Plain Dealer, le plus grand quotidien de l’Ohio, puis par le magazine Life, avant d’être reprises à travers le monde. Il utilisait alors une caméra qui lui avait été fournie par l’armée afin de prendre des photos d’autres militaires à l’intention de leurs journaux locaux — une tactique de relations publiques qui, souligne-t-il aujourd’hui, n’a pas très bien fonctionné ce jour-là.

On doit la publication des clichés troublants à une formalité: il avait aussi avec lui un appareil Nikon personnel, dont il ne devait pas remettre les photos à l’armée.

Le cliché qui le trouble le plus, a-t-il dit, est celui «d’une femme avec sa cervelle à côté de sa tête. Parce que plus tard pendant ma vie, j’ai appris que c’était la mère de Duc. Ça m’a beaucoup dérangé.»

M. Haeberle est arrivé sur les lieux du carnage après avoir été déposé près du village en hélicoptère, lors de la deuxième vague de militaires. En l’absence d’ennemis qui lui tiraient dessus, il a tout vu.

«Nous avons commencé à marcher vers l’autoroute et j’ai remarqué à ma gauche un groupe de gens, on aurait dit qu’ils étaient surveillés par environ trois ou quatre soldats, ils étaient tous accroupis et j’ai marché encore 10 ou 15 verges et puis j’ai entendu tirer, a-t-il raconté. Je me suis retourné. Les gens essayaient de s’enfuir donc j’ai pensé qu’il y avait un problème. Et nous avons entendu plusieurs tirs dans le village, mais personne ne tirait sur nous. On entendait des tirs rapides d’armes automatiques, et on essayait de comprendre ce qui se passait. Puis on approche du sentier et trois personnes viennent vers nous avec les mains en l’air: ‘Pas VC, pas VC’ [nous ne sommes pas des Viet-Cong, des ennemis]. Deux enfants et un vieil homme.»

«Je pensais que les soldats autour de moi, il y en avait seulement trois ou quatre, allaient les fouiller ou les interroger. On se tenait là, et tout d’un coup un gars commence à tirer et les tue.»

M. Haeberle dit avoir vu plusieurs atrocités du genre.

Ce massacre était incompréhensible pour M. Haeberle, qui avait 26 ans à l’époque, soit environ six ans de plus que la moyenne des membres de Charlie Company, qui croyaient avoir été envoyés neutraliser une unité d’élite de leurs ennemis.

Il a plus tard conclu que les soldats américains avaient été mal entraînés, ou encore qu’ils étaient apeurés ou amers, et puisqu’ils ne pouvaient pas comprendre pourquoi les villageois semblaient hostiles, ils ont vu en eux des guérilleros du Viet-cong qu’ils combattaient.

«Vous savez, ‘ce sont tous des VC, tout le monde’. Et je me demande, est-ce que les bébés sont des VC, ou les petits enfants? (Obscénité), bien sûr que non. C’est simplement l’état d’esprit dans lequel ils (les soldats) étaient», a-t-il dit.

M. Haeberle a donné sa célèbre caméra, celle qu’il appelait sa caméra My Lai, à M. Duc, qui dit l’avoir installée sur un autel chez lui, en Allemagne.

«La caméra a capté l’image de sa mère, a dit l’ancien photographe. C’était la dernière photo, et aussi horrible soit-elle, il avait une photo. Il avait la caméra.»

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