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Le FSC semonce le géant Sinar Mas

Dita Alangkara / The Associated Press Photo: Dita Alangkara / The Associated Press
Stephen Wright - The Associated Press

BANGKOK — Le principal groupe mondial pour la certification du bois durable a servi un ultimatum à l’une des plus grandes sociétés papetières du monde et à ses propriétaires indonésiens milliardaires, dans la foulée de preuves qui semblent démontrer que la compagnie continue à raser les forêts tropicales.

Une lettre du Forest Stewardship Council (FSC) en date du 28 mai et consultée par l’Associated Press fait quatre demandes à Sinar Mas et à la famille Widjaja.

Ces demandes, exige l’organisation, doivent être satisfaites d’ici quelques jours.

Les efforts du conglomérat depuis quelques années pour être réadmis au sein du FSC, dont la marque d’arbre stylisée est un endossement influent sur le marché mondial, pourraient être complètement anéantis s’il ne se conforme pas. Il a été expulsé en 2007 pour destruction massive des forêts tropicales indonésiennes.

L’ultimatum intervient après que Greenpeace eut mis fin à une trêve de cinq ans avec Sinar Mas, citant une enquête de l’Associated Press sur sa structure opaque et l’accusant d’avoir continué à détruire les forêts tropicales pendant toute la durée de leur coopération en matière de conservation. Le fondateur de Sinar Mas, Eka Tjipta Widjaja, et sa famille contrôlent une fortune de 9 milliards $ US amassée dans le papier, l’huile de palme, l’immobilier et d’autres entreprises, selon Forbes.

La lettre du FSC à la branche Asia Pulp & Paper du conglomérat Sinar Mas prévient que le conseil exige une «démonstration du plus haut niveau d’engagement de la famille Widjaja» aux normes du conseil, qui incluent la protection des forêts naturelles et des droits de la personne.

La lettre réclame une «annonce de haut niveau, officielle et publique» de cet engagement d’ici lundi; des propositions de remèdes à la déforestation démontrée par Greenpeace, également d’ici lundi; une divulgation complète, au plus tard le 11 juin, de la structure d’entreprise d’Asia Pulp & Paper, y compris ses fournisseurs de bois, ses sociétés-écrans et ses sociétés étrangères, et leur véritable propriété; et une divulgation d’ici le 11 juin de toute autre violation des normes du conseil.

Asia Pulp & Paper n’a pas commenté dans l’immédiat. La compagnie prétend qu’elle ne pourra pas commenter la lettre à moins que le FSC ne soit d’accord. L’organisation n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.

Les forêts tropicales indonésiennes, parmi les plus grandes du monde, constituent un tampon important contre le réchauffement climatique et un refuge pour une diversité stupéfiante d’animaux, y compris des orangs-outans, des tigres et des rhinocéros qui vacillent au bord de l’extinction. Mais elles sont rasées plus rapidement que dans tout autre pays, gonflant les profits des conglomérats de papier et de l’huile de palme tout en causant des problèmes sociaux et environnementaux chroniques.

La perte rapide de forêts et les émissions de gaz à effet de serre ont fait de l’Indonésie le quatrième contributeur au réchauffement climatique après la Chine, les États-Unis et l’Inde.

L’enquête de l’Associated Press a exposé au grand jour des liens importants entre Sinar Mas, sa division des pâtes et papier, sa division de la foresterie et 27 plantations de bois qu’elle avait déclaré au monde être indépendantes, dans une tentative apparente d’«écoblanchiment» de son image.

La plupart de ces fournisseurs de bois étaient installés dans les bureaux de Sinar Mas. Ils étaient souvent la propriété d’employés actuels ou anciens de Sinar Mas.

Utilisant des photos prises par des drones ou des satellites, l’Associated Press a démontré que Muara Sungai Landak, une des deux compagnies dénoncées par Greenpeace, abattait depuis plusieurs années des arbres sur des terres en vertu de permis gouvernementaux. Le bois tropical était transformé en granules de bois qui étaient ensuite mises en marché comme source d’énergie renouvelable.

Des documents officiels révèlent que Muara Sungai Landak est détenue par deux employés de Sinar Mas Forestery. La plantation n’est pas mentionnée parmi les fournisseurs officiels de Sinar Mas.

Greenpeace dit que son enquête a démontré que Muara Sungai Landak a rasé 3000 hectares de forêts depuis 2013. Sinar Mas «a refusé de réfuter» les preuves selon lesquelles cette compagnie appartient à deux de ses employés, selon le groupe environnemental. Le communiqué d’Asia Pulp & Paper reconnaît toutefois que des employés comptent parmi les actionnaires de la plantation.

Une autre plantation, Hutan Rindang Banua, est propriété de la filiale minière de Sinar Mas, qui est inscrite à la bourse de Singapour. Greenpeace affirme qu’elle a rasé près de 5000 hectares de forêts sur l’île de Bornéo depuis 2013.

Le rapport annuel de la filiale minière, Golden Energy and Resources, reconnaît que Hutan Rindang Banua coupe des forêts vierges.

D’autres organisations environnementales avaient remis en question l’entente intervenue en 2013 entre Greenpeace et Sinar Mas, compte tenu du passé trouble de la compagnie.

Certains accusaient la famille Widjaja d’utiliser cet accord pour se mettre à l’abri des critiques pendant qu’elle construisait une nouvelle usine de pâtes et papier sur l’île de Sumatra. Cette nouvelle usine compte parmi les plus grandes du monde et augmente de façon marquée la demande pour le bois.

L’enquête de diligence appropriée menée par Greenpeace avant de signer l’entente n’avait pas détecté les liens importants entre Sinar Mas et des fournisseurs qu’elle prétendait indépendants.

Greenpeace affirme que Sinar Mas a réalisé certains progrès depuis cinq ans, mais elle lui reproche aussi de n’avoir fourni aucune réponse crédible et de n’avoir posé aucun geste concret en réponse à l’enquête.

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