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La Turquie tente d’enrayer la débâcle de la livre

ISTANBUL, TURKEY - JUNE 17: Turkey's President Recep Tayyip Erdogan speaks to supporters during a AK Parti election rally on June 17, 2018 in Istanbul, Turkey. Presidential candidates from all parties are holding campaign rallies across Turkey a week ahead of the countries June 24, parliamentary and presidential elections. (Photo by Chris McGrath/Getty Images) Photo: Getty Images

La Turquie, plongée dans une crise monétaire qui inquiète le monde économique, a annoncé lundi des mesures pour soutenir la livre qui s’effondre sur fond de tensions avec les États-Unis, accusés par le président Recep Tayyip Erdogan de «frapper dans le dos» leur allié turc.

Dans l’espoir de rassurer les marchés, la banque centrale de Turquie a indiqué lundi qu’elle fournirait toutes les liquidités dont les banques auraient besoin et prendrait les «mesures nécessaires» pour assurer la stabilité financière.

Mais l’impact de cette annonce s’est estompé quelques heures plus tard lorsque le président Erdogan a accusé les États-Unis de vouloir «frapper dans le dos» la Turquie, provoquant un plongeon de la livre qui illustre l’inquiétude des marchés face aux tensions diplomatiques.

La livre turque, qui a perdu cette année plus de 40% de sa valeur face au dollar et à l’euro, s’est effondrée vendredi, faisant souffler un vent de panique sur les marchés à travers le monde.

Gagnées par l’onde de choc de ce «Vendredi noir», qui a vu la livre perdre quelque 16% de sa valeur face au dollar, les Bourses de Tokyo et Hong Kong ont fortement baissé lundi. Les principales places européennes, déjà affectées vendredi, restaient fébriles.

La livre a battu à nouveau un record à la baisse dans les premières heures en Asie, dépassant pour la première fois 7 livres contre un billet vert, avant de se redresser après l’annonce de la banque centrale.

Mais elle s’échangeait à nouveau à 7 contre un dollar après le discours de M. Erdogan, perdant jusqu’à 8% de sa valeur sur la journée.

La banque centrale a révisé les taux de réserves obligatoires pour les banques, dans le but d’éviter tout problème de liquidité, et indiqué qu’environ 10 milliards de livres, 6 milliards de dollars et l’équivalent de 3 milliards en or de liquidités seraient fournis au système financier.

Est-ce «acceptable»

La déroute de la livre s’est accélérée au cours des deux dernières semaines en raison d’une grave crise diplomatique entre Ankara et Washington liée à la détention en Turquie d’un pasteur américain, Andrew Brunson.

Déclarations chocs, sanctions, menaces de représailles, puis doublement des tarifs douaniers américains sur l’acier et l’aluminium turc vendredi: les tensions entre les deux alliés au sein de l’Otan sont allées crescendo ces derniers jours, emportant la livre turque.

«D’un côté, vous êtes avec nous dans l’Otan et, de l’autre, vous cherchez à frapper votre partenaire stratégique dans le dos. Une telle chose est-elle acceptable?», s’est emporté M. Erdogan lors d’un discours lundi à Ankara.

Outre les tensions entre Ankara et Washington, les économistes s’inquiètent aussi de la mainmise sur l’économie de M. Erdogan qui s’est renforcée après sa réélection en juin dernier.

Les marchés exhortent la banque centrale à redresser davantage ses taux pour soutenir la livre et maîtriser une inflation galopante qui a atteint près de 16% en juillet en glissement annuel, mais le président s’y oppose.

Dans ses annonces lundi, la banque centrale turque n’a pas fait mention des taux.

Besoin de «crédibilité»

«Avec une économie surchauffée et endettée, la Turquie aura besoin de politiques économiques crédibles et orthodoxes, de discipline budgétaire et de l’indépendance de la banque centrale pour inverser la situation actuelle», explique à l’AFP Agathe Demarais, de l’Economist Intelligence Unit, jugeant «peu probable» une normalisation dans l’immédiat des relations avec Washington.

Huseyin Yigit, un enseignant interrogé par l’AFP à Istanbul, affirme avoir perdu 20 à 25% de son pouvoir d’achat. «Que je le veuille ou non, je dois trouver un plan B», dit-il, avouant ne pas savoir quoi faire.

Par ailleurs, le ministère turc de l’Intérieur a indiqué lundi qu’il enquêtait sur des centaines d’internautes qu’il soupçonne d’avoir partagé des commentaires relevant de la «provocation» visant à affaiblir la livre.

M. Erdogan a qualifié ces internautes de «terroristes économiques» qui recevront «le châtiment qu’ils méritent».

«Les dynamiques économiques de la Turquie sont solides, elles sont fortes et bien ancrées», a insisté le chef de l’État.

Cette crise monétaire s’est étendue à la plupart des devises émergentes qui, comme le rand sud-africain, le peso argentin, le réal brésilien ou le rouble russe plongent depuis quelques jours, une chute qui met en lumière la fragilité de ces économies toujours très dépendantes des capitaux étrangers.

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