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Se défaire de la menace nucléaire au XXIe siècle

Les armes nucléaires sont les armes de destruction massive les plus meurtrières qui soient. Leur utilisation serait catastrophique, non seulement en termes de pertes de vies humaines, mais aussi au chapitre des conséquences environnementales. À l’occasion de la Journée internationale contre les essais nucléaires, qui est soulignée cette semaine, Métro a enquêté sur l’état des arsenaux nucléaires mondiaux.

Les essais nucléaires atmosphériques ont non seulement relâché des radiations à l’échelle planétaire, mais ont aussi dévasté des régions entières. Certaines de ces zones sont toujours inhabitables, et leurs habitants, victimes des radiations, ont souffert d’un taux élevé de cancers et de malformations congénitales, entre autres.

La majorité des États possédant l’arme atomique ont testé leur arsenal à plusieurs reprises dans le passé et n’ont plus besoin de procéder à des essais. Toutefois, certains pays récemment admis dans le club nucléaire accordent toujours de l’importance aux essais.

C’est le cas de la Corée du Nord, le seul pays à avoir mené des essais nucléaires au XXIe siècle.
«Après six tests, la Corée du Nord a déjà annoncé qu’elle en savait suffisamment et qu’elle n’avait pas besoin d’autres tests, précise Ferenc Jacob Dalnoki-Veress, scientifique en résidence et professeur adjoint à l’Institut d’études internationales du Collège Middlebury, en Californie. Les pays qui commencent à développer leurs armes nucléaires doivent calibrer leurs appareils informatiques pour d’éventuelles simulations, mais surtout pour prouver que leurs ogives fonctionnent et provoquent la fission nucléaire [qui dégage énormément d’énergie lorsque l’atome est scindé en deux] comme prévu.»

«L’utilisation d’une fraction, même modeste – moins de 1% –, de l’arsenal mondial causerait des perturbations climatiques à l’échelle mondiale. Les armes nucléaires, dans n’importe quelles mains, posent un danger planétaire.» – Tilman A. Ruff, professeur associé au Nossal Institute for Global Health de l’université de Melbourne

Progrès dans le processus de désarmement
En ce moment, il existe un moratoire de facto sur les essais nucléaires en vertu du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, ouvert à la signature en 1996. Un pays qui teste tout de même ses armes atomiques peut s’attendre à une réaction vigoureuse de la communauté internationale, comme la Corée du Nord a pu le constater.

Les experts s’entendent pour dire que, depuis la fin de la guerre froide, beaucoup de progrès ont été fait dans la réduction des arsenaux nucléaires. Les réserves mondiales ont diminué de plus de 80 %, en grande partie en raison des efforts de la Russie et des États-Unis. Il reste toutefois beaucoup de chemin à faire.

«Plus le nombre d’armes nucléaires diminue, plus les inspections sont importantes», explique Alexandra Bell, directrice des politiques du Center for Arms Control and Non-Proliferation, un groupe de réflexion américain.

«Pour compliquer les choses, ajoute-t-elle, les États possédant l’arme nucléaire doivent d’abord se joindre au processus de désarmement. Compte tenu des conflits régionaux, c’est plus facile à dire qu’à faire.»

«Heureusement, nous connaissons les étapes à suivre : résoudre la crise avec la Corée du Nord, s’assurer que le programme nucléaire iranien n’a qu’une vocation civile, faire adopter une interdiction permanente sur les essais et sur la production de matériel fissile pouvant être utilisé comme arme, énumère Mme Bell. C’est là que nous devrions concentrer nos énergies en ce moment.»

Manque de volonté politique­
Un monde sans arme nucléaire requiert un changement radical de mentalité dans l’élaboration des politiques sécuritaires des États qui possèdent aujourd’hui ce type d’armes.

«Il faudrait énormément de volonté politique, d’innovations techniques et de temps, mais c’est possible», croit Tytti Erästö, de l’Institut de recherche sur la paix de Stockholm, en Suède.

«Les risques peuvent également être diminués en augmentant la transparence, en instaurant des mesures de contrôle et en signant des accords de réduction des arsenaux nucléaires.»

Même s’il y a du progrès, toutes les puissances nucléaires pourraient de nouveau effectuer des essais et conservent la capacité de le faire. En fait, l’administration Trump, dans la plus récente révision de sa politique nucléaire, a déclaré ouvertement que les États-Unis allaient «maintenir leur capacité à effecteur des tests nucléaires souterrains».

L’incertitude autour de la Corée du Nord pourrait aussi encourager d’autres États à reprendre leurs expérimentations.

«La clé est de ne pas se laisser entraîner dans l’actualité quotidienne. Nous devons d’abord penser à l’avenir et aux mesures immédiates qui peuvent être prises pour réduire la menace, plaide Alexandra Bell. Les citoyens du monde entier doivent exiger de leurs dirigeants qu’ils ratifient le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, pour que cessent une fois pour toutes les essais.»

«L’avenir est entre nos mains»

Entrevue avec Tilman A. Ruff, professeur associé au Nossal Institute for Global Health de l’université
de Melbourne.

Pourquoi les armes nucléaires attirent autant l’attention mondiale?
Parce qu’elles posent la menace la plus directe à la santé et à la survie de l’humanité et de la biosphère. Il est impératif qu’elles ne soient plus jamais utilisées. Si on les conserve, elles seront utilisées, volontairement ou par accident. L’avenir est entre nos mains : soit nous mettons fin aux armes nucléaires, soit elles mettront fin à nos vies.

Les tests nucléaires sont-ils importants?
La bombe à l’uranium enrichi qui a détruit Hiroshima était d’une conception très simple, qui n’avait pas besoin d’être testée avant d’être utilisée. La bombe au plutonium lâchée sur Nagasaki avait un mécanisme plus complexe qui a requis des tests. Les essais ont été cruciaux dans le développement d’armes nucléaires miniaturisées.

À l’exception de la Corée du Nord, les puissances nucléaires ont cessé les essais seulement lorsqu’elles ont développé des façons de tester leurs bombes sans explosion. Elles continuent de développer des armes grâce à des simulations électroniques, des tests hydrodynamiques et d’autres moyens.

Il y a des avantages à ce genre de tests?
Il n’y a pas de bénéfice pour les humains ou pour la planète : ils causent plutôt un grand mal. En permettant le développement d’armes nucléaires, ils mettent en péril la planète et la santé des humains et causent des dégâts en riason des radiations qu’ils émettent.

Quelles sont les conséquences­ des tests nucléaires?
Les retombées nucléaires des essais atmosphériques tenus jusque dans les années 1980 ont contaminé le monde entier. Ils augmentent le risque de cancers et de maladies chroniques partout dans le monde et continueront à le faire durant plusieurs générations.

Qu’en est-il des tests souterrains?
Les tests souterrains posent moins de risques pour la santé, mais certains rejettent tout de même de la radioactivité dans l’atmosphère, alors que d’autres provoquent de petits tremblements de terre. Ils injectent tous une bonne dose de radioactivité dans les roches fracturées par les explosions. Ces débris peuvent contaminer les nappes phréatiques.

Les armes nucléaires pourraient­-elles disparaître­ un jour?
Absolument. On a prouvé qu’une réglementation efficace peut entraîner des résultats concrets. On peut les éliminer en une génération.

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