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L’indépendance au temps de l’Union européenne

Photo: Getty

«Puisque les Basques et les Bretons
Les Alsaciens les Occitans
Les Corses les Chtimis les Wallons
Y veulent tous être indépendants
Puisqu’y veulent tous l’autonomie
Qu’a priori y ont pas torts

Bah c’est décidé moi aussi
J’prends ma guitare et j’crie bien fort
Que je suis le séparatiste
Du 14e arrondissement
Oui que je suis l’autonomiste
De la Porte d’Orléans»

–       Le blues de la Porte d’Orléans, Renaud

Ils sont nombreux, les Européens, à avoir le blues, ces temps-ci. Pas de la Porte d’Orléans, comme le chante Renaud, mais du Pays basque, de l’Écosse ou de la Flandre.

D’abord, la crise économique. Puis les pertes d’emploi. Puis les plans d’austérité. Puis encore les pertes d’emploi.

Dans ce climat morose, le désir d’autonomie régionale, voire d’indépendance, revient en force sur le Vieux Continent. Au Royaume-Uni, il a fallu à l’Écosse un leader charismatique pour donner des ailes au projet d’indépendance. Si bien qu’Alex Salmond, chef du Parti national écossais, vient de signer un accord sur l’organisation d’un référendum dès 2014 avec le premier ministre britannique, David Cameron.

En Belgique, l’Alliance néo-flamande, qui rêve d’une Flandre autonome, a enregistré des gains colossaux aux élections municipales, le 14 octobre dernier, occupant la tête dans 16 des 24 districts flamands, dont la ville symbolique d’Anvers. Les séparatistes misent désormais sur les élections législatives fédérales, en juin 2014, pour se rapprocher du but ultime.

Au Pays basque, dans le nord de l’Espagne, le parti indépendantiste EH Bildu a offert dimanche dernier une première victoire électorale aux anciens militants du Batasuna – un parti d’extrême gauche interdit depuis 2003, puisqu’associé au groupe terroriste ETA – et plus largement aux souverainistes de la région.

Une victoire symbolique, mais qui a pris des airs de kermesse, puisque cette formation sortie de l’ombre est devenue, le temps d’un scrutin, la deuxième force politique de la région.

Peut-être le sort du Kosovo, qui a obtenu son indépendance de la Serbie le 17 février 2008, a-t-il inspiré certaines nations qui peinent à trouver leur salut à l’heure du fédéralisme, de l’austérité et de la crise économique?

Le rôle de l’Union

Et si l’Union européenne, dont les décisions sont souvent conspuées par les dirigeants nationalistes des États membres, s’avérait à la fois l’argument et le tremplin des indépendantistes régionaux d’Europe?

L’argument : parce que l’Union européenne s’ajoute aux gouvernements d’unité nationale, et les affaiblit du même coup. L’obédience des régions à deux, voire trois autorités politiques, est fort susceptible de faire naître un sentiment d’impuissance au sein de certaines nations. Ces peuples renouvellent d’un même souffle leur désir d’émancipation. Une volonté exacerbée en période de crise économique.

Le tremplin : parce que l’Union européenne pourrait s’avérer une porte d’entrée privilégiée pour les nouveaux États en quête de reconnaissance internationale. Les Basques, les Flamands et les Écossais en sont conscients, et voudront sans doute suivre les traces du Kosovo, qui chemine tranquillement vers une intégration au sein de l’Union européenne, pour consolider leur statut en cas de victoire référendaire.

Le paradoxe européen

Ces questions identitaires mettent en lumière des objectifs paradoxaux au sein de l’Union européenne. Où se camperait-elle, par exemple, en cas de victoire du «oui» en Écosse? Il faudra qu’elle accepte le choix des Écossais en vertu du droit à l’autodétermination des peuples, bien sûr, mais devra aussi composer avec les intérêts du Royaume-Uni, un État membre influent.

Même chose dans l’éventualité où la Flandre ou le Pays basque obtiendraient leur indépendance : l’Union européenne devra concilier à la fois les besoins d’affirmation nationale des nouvelles régions indépendantes et le vœu d’unité cher aux États membres. Si les vagues indépendantistes devaient prendre de l’ampleur en Europe, l’Union européenne pourrait se trouver devant un gigantesque casse-tête. Et elle en aura fabriqué plusieurs pièces.

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