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L’éprouvant périple des mères irlandaises

Photo: The Associated Press

Une nouvelle loi légalisera l’avortement lorsque la vie de la mère est en danger. Mais les femmes dont le fœtus présente une malformation grave devront continuer de voyager jusqu’en Grande-Bretagne pour obtenir la procédure.

«Le bébé que vous portez ne survivra pas.» Un diagnostic dévastateur pour toute future mère. Mais pour les mamans irlandaises, c’est aussi le début d’un éprouvant périple. En Irlande, l’avortement, même s’il doit être pratiqué pour des raisons médicales, est illégal. Les femmes doivent donc mener leur grossesse à terme ou se faire avorter en Grande-Bretagne, à leurs frais et sans suivi.

En 2009, Ruth Bowie, une Irlandaise enceinte de 12 semaines, apprend que son bébé souffre d’anencéphalie, une malformation du cerveau rendant le fœtus «incompatible avec la vie». Son médecin lui déclare qu’elle peut poursuivre sa grossesse ou «voyager à l’étranger». «S’il y avait eu une chance, même minime, que mon bébé survive, j’aurais poursuivi la grossesse», assure-t-elle, la gorge nouée par l’émotion. Mais devant le diagnostic sans appel, son mari et elle se rendent à Birmingham, en Angleterre, pour obtenir la procédure. «Dans l’avion, nous étions entourés par des hommes d’affaires et des couples qui partaient pour la fin de semaine», se souvient Mme Bowie.

À leur sortie de la clinique, son mari et elle sont laissés à eux-mêmes en attendant leur vol de retour, prévu en soirée. «J’étais dévastée, je saignais, j’étais épuisée. Tout ce que je voulais, c’était être dans mon lit, et au lieu de ça, j’errais de café en café dans une ville inconnue», raconte-t-elle.

Dans les semaines qui ont suivi, Mme Bowie n’a reçu aucun suivi psychologique ni médical en Irlande. «Je n’arrive pas à accepter que l’Irlande m’ait tourné le dos au moment où j’avais le plus besoin de son soutien», déclare-t-elle. Trois ans plus tard, elle fait partie de TFMR, un groupe militant pour légaliser l’avortement dans les cas de malformations fœtales.

Elle raconte avoir reçu des témoignages de femmes qui, en plus d’avoir dû se rendre loin de chez elles pour obtenir un avortement, ont dû attendre de recevoir les restes de leur bébé par courrier recommandé avant de pouvoir lui donner une sépulture.

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L’automne dernier, après la mort d’une femme qui s’était vu refuser un avortement, le gouvernement irlandais a annoncé qu’il réviserait la loi. Les espoirs des militants ont vite été refroidis. La nouvelle loi, qui sera officiellement adoptée au cours des prochains jours, ne rend légale l’interruption de grossesse que lorsque la vie de la mère est en danger, y compris lorsqu’il y a risque de suicide.

Interrogé sur des cas comme celui de Ruth Bowie, le ministre irlandais de la Justice Alan Shatter a affirmé que la législation entourant l’avortement «ne peut pas aller plus loin sous les paramètres constitutionnels actuels» et que «le gouvernement n’a pas l’intention de se pencher sur ces questions».

En 1983, un article reconnaissant le droit à la vie du fœtus a été ajouté à la Constitution irlandaise. Pourtant, l’avocat et ancien médecin Simon Mills estime que le gouvernement dispose d’une marge de manœuvre pour légiférer dans les cas de malformations fœtales. «On pourrait arguer que si le fœtus n’a aucune chance de survie à l’extérieur de l’utérus, alors il n’y a aucune vie à défendre en vertu de la Constitution et, donc, l’avortement pourrait être légalisé.»

Dans un sondage récent réalisé par le Irish Times, près de 80 % des répondants ont dit souhaiter que l’avortement soit permis dans les cas de viol, d’inceste ou de malformations fœtales mortelles. Toutefois, plus des deux tiers s’opposaient à «l’avortement sur demande».

Processus controversé

Les femmes présentant un risque de suicide devront obtenir l’accord de deux psychiatres et d’un obstétricien avant d’obtenir un avortement. Les militants pro-choix estiment que les obstétriciens n’ont pas les compétences nécessaires pour se prononcer sur la santé mentale d’une patiente. Lorsque le risque mortel est d’ordre physique, l’avis d’un seul médecin suffira.

Le cas «X»

La nouvelle loi vise à régler un flou juridique qui existe depuis deux décennies en Irlande. En 1992, «X», une adolescente de 14 ans victime de viol, a tenté de se suicider après que les médecins eurent refusé d’interrompre sa grossesse. La Cour suprême a alors autorisé la procédure lorsque la vie de la mère est en danger, mais aucune loi n’avait encore été adoptée en ce sens.

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