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Mexique: lʼimpunité enfouie 120 m sous terre

Photo: Peter Langer/Getty

Huit ans après l’effondrement de la mine de Pasta de Conchos, Napoleón Gómez, le chef syndical des mineurs, continue son combat contre l’impunité.

Soixante-cinq mineurs sont morts ce 19 février 2006. Huit ans après la tragédie, seuls deux corps ont été extirpés de la mine : pour les soixante-trois autres qui demeurent ensevelis, les décombres font toujours office de tombeau.

C’est pour offrir une sépulture décente à ces hommes que Napoleón Gómez, le dirigeant du syndicat des Mineros qui représente les mineurs et les travailleurs de l’acier du Mexique, a écrit Collapse of Dignity, un livre dans lequel il relate par le menu l’acharnement de l’État mexicain à broyer son syndicat en lui imputant la faute d’une tragédie minière que M. Gómez décrit comme un «homicide industriel».

«La veille, les mineurs de Pasta de Conchos avaient voté une grève générale pour dénoncer leurs mauvaises conditions de travail. Ils s’inquiétaient de l’air de plus en plus lourd qu’ils respiraient au fond de la mine. C’était le méthane qui se répandait, incolore, dans les tunnels. La grève devait débuter le 21 février 2006 : l’explosion est survenue deux jours avant.»

Son repos à lui, Napoleón. Gómez le trouvera lorsque la compagnie propriétaire de la mine, le géant de l’industrie Grupo México, qu’il croit de mèche avec les précédents gouvernements de Felipe Calderón et de Vicente Fox, sera tenue responsable des entorses à la sécurité qui ont, selon lui, tué ces 65 hommes.

«Les mineurs ont débrayé à 14 reprises pour dénoncer leurs conditions de travail dangereuses. Malgré les doléances des travailleurs, les inspecteurs mandatés par le gouvernement ont certifié, moins de deux semaines avant l’effondrement, que Pasta de Conchos respectait les normes de sécurité.»

«[Les dirigeants de la compagnie] ont prétendu que nos collègues s’étaient drogués pour se donner du courage avant de descendre au fond de la mine. Personne de la compagnie n’est allé réconforter les familles. Cʼest une honte que de tels entrepreneurs existent encore au XXIe siècle», déplore cet économiste dʼOxford qui se consacre à la lutte syndicale.

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Napoleón Gómez poursuit son combat pour la justice, même si la bataille l’a mené sur les chemins d’un exil dont il n’est encore jamais revenu. Inquiété par une inquisition judiciaire qui, dit-il, lʼa condamné d’avance, voilà huit ans qu’il n’a pas revu son pays natal, bien qu’il ait été blanchi des accusations de corruption et de détournement de fonds qui pesaient contre lui au Mexique.

«Ceux qui ont le pouvoir instrumentalisent la justice pour attaquer leurs opposants et protéger leurs intérêts. Le Mexique est une dictature déguisée», affirme le syndicaliste.

Le nouveau gouvernement d’Henrique Peña Nieto a promis au syndicat des Mineros qu’il déciderait avant le huitième anniversaire de la tragédie si, oui ou non, il allait reprendre les opérations pour extirper les 63 corps demeurés sous terre. Au moment de mettre sous presse hier, aucune annonce n’avait été faite. Rien pour étonner Napoleón Gómez : «Ce qu’il restait d’honneur et de dignité aux dirigeants mexicains, ils l’ont perdu au fond de la mine, à côté des 63 hommes qui s’y trouvent encore.»

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