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Black Nature: «la musique m’a sauvé la vie»

Photo: David De Groot/Collaboration spéciale

Son père a été massacré et sa mère disparue, il ne l’a jamais revue. Touché jusque dans sa chair par la guerre civile qui a ravagé sa Sierra Leone natale, Black Nature a trouvé refuge dans les purgatoires que sont les camps de réfugiés. Son salut a été la musique, qui lui a ouvert les plus prestigieuses scènes du monde au sein des Sierra Leone’s Refugee All Stars. Métro a parlé avec ce miraculé en marge de son passage à Montréal.

Où seriez-vous, si vous n’aviez jamais croisé la route de la musique?
Sans la musique, je serais probablement en prison! (Rires) En tout cas, j’aurais été dans de sales draps. Après ce que j’ai vécu, je n’étais entouré que de gens qui avaient tout perdu, comme moi, dans le camp de réfugiés. J’étais un enfant tellement en colère à l’époque. La musique m’a redonné ma vie. Elle m’a gardé vivant.

Comment la Sierra Leone a-t-elle réussi à guérir de la guerre civile qui l’a ravagée et qui a fait plus de 50 000 morts entre 1991 et 2002?
Nous avons décidé de nous réconcilier et de construire de nouveau notre pays. Il a fallu oublier notre cupidité et notre haine, oublier la guerre et arrêter de nous chasser pour nous tuer les uns et les autres. Aujourd’hui, personne ne peut distinguer les belligérants qui, hier, se massacraient entre eux. L’amour a guéri les blessures du pays.

D’autres conflits ravagent l’Afrique à l’heure actuelle, notamment en République centrafricaine, au Soudan du Sud et dans l’est de la République démocratique du Congo, déchirée par une guerre qui s’éternise depuis plus de 20 ans.
Nous étions dans cette situation à l’époque, nous aussi nous étions dans les ténèbres. Nous nous traitions comme si nous n’étions pas humains, comme si nous n’étions pas du même peuple. Et quand je vois d’autres pays traverser ça, une chose me vient à l’esprit: j’espère qu’ils savent ce qu’ils font, car la guerre n’est la réponse à rien.

L’histoire des Sierra Leone’s Refugee All Stars incarne l’espoir des lendemains meilleurs lorsque nous sommes submergés par le désespoir. Connaissant les souffrances de l’Afrique, est-ce que ce continent vous réserve un accueil spécial lorsque vous jouez devant lui?
La première chose qu’on remarque quand on retourne en Afrique, c’est qu’on mange enfin de la bonne nourriture! (Rires) Mais c’est vrai que nous sommes revenus de loin. Les gens des autres pays nous regardent et se disent que nous sommes inspirants. Et j’en suis fier! Mais même si je considère que la Sierra Leone est mon pays natal, je suis un citoyen du monde, d’abord et avant tout.

Justement, que pensez-vous de tous les efforts déployés par les pays dits développés pour restreindre l’arrivée d’immigrants originaires des pays pauvres?
Je revendique le droit de voyager dans le monde et de m’y sentir partout chez moi, sans être jugé par personne. Et chacun doit avoir conscience de l’existence des autres dans le monde. Le monde ne s’arrête pas à l’Amérique, ou au Canada: d’autres peuples habitent cette terre, montrez-leur du respect.

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Dans un documentaire sur les Refugee All Stars, on entend l’orphelin de 15 ans que vous étiez à l’époque rêver de rapper comme Busta Rhymes. Avez-vous rencontré votre idole depuis que vous avez quitté le camp de Sembakounya ?
(Rires) Non. En vieillissant, j’ai appris à mieux me connaître et j’ai compris que je pouvais changer le monde à ma manière, en étant tout simplement moi-même. Il a été une inspiration pour moi, mais maintenant, je crois en mes propres moyens, et je n’aspire plus à être dans les souliers de quelqu’un d’autre.

Les Sierra Leone’s Refugee All Stars seront au Cabaret du Mile End le dimanche 6 avril à 20h30

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