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Charlie Hebdo: l’équipe décimée présente le numéro des «résistants»

Photo: Christophe Ena /AP

Ce mercredi, une semaine après les attentats, sort le nouveau numéro de Charlie Hebdo. L’équipe, décimée la semaine dernière, est venue présenter son magazine, entre rires, larmes et politique.

Ils étaient trois. Trois « survivants », pour représenter la rédaction décimée de Charlie Hebdo, ce mardi après-midi, dans les locaux du journal Libération. Trois, devant des journalistes du monde entier, avec, dans leur main, le numéro que tout le monde attend. Le dessinateur Luz, le rédacteur en chef Gérard Biard et le chroniqueur urgentiste Patrick Pelloux.

Ce numéro, ils ont réussi à faire, « dans la douleur et dans la joie », raconte Gérard Biard, le rédacteur en chef. Les trois hommes, qui ont perdu onze de leurs amis en quelques minutes la semaine dernière, ont presque les yeux secs aujourd’hui pour présenter leur magazine, déjà collector. Trois millions d’exemplaires vont être imprimés et les bénéfices des ventes seront reversés aux familles des victimes. Charlie Hebdo sera traduit, en version numérique, en trois langues: anglais, espagnol et arabe. Dans les kiosques de la France entière, il faut s’inscrire sur une liste pour commander le sien.

Ce journal, ils l’ont fait, malgré l’abattement, malgré les blessures, morales ou physiques – le dessinateur Riss a envoyé ses dessins depuis son lit d’hôpital. Ceux qui sont partis, Charb, Cabu, Honoré, Tignous ou Wolinski, ne sont pas oubliés et des inédits sont publiés. Au fil de la semaine, le magazine avance, malgré tout, dans des bureaux éphémères, prêtés par Libé. Reste cette Une, qui n’arrive pas à sortir.

« Merci Arnold Schwarzenegger »
« À un moment, on n’avait plus de jus », raconte Luz, qui, quelques jours plus tôt, doutait même de sa capacité à dessiner. Alors lundi, en plein bouclage, il se met dans un coin de la salle et commence un dessin. Il croque « son » Mahomet, « celui qui nous a valu d’avoir nos locaux brûlés, d’être taxés de provocateurs irresponsables ». Mais surtout « un bonhomme qui pleure avant tout ». Il rajoute: « Tout est pardonné » au dessus. Le dessinateur marque une pause dans son récit, étouffe un sanglot. « Et je me suis mis à pleurer ». À la vue du dessin, « on a tous éclaté de rire et on s’est sautés dans les bras », raconte Gérard Biard. La Une était trouvée. Révélée lundi soir, elle fait déjà polémique.

Plusieurs fois, celui qui doit sa vie sauve à son retard en conférence de rédaction, reprend son souffle, essuie ses yeux. Mais l’esprit de Charlie n’est jamais loin et les blagues fusent. Comme quand Gérard Biard remercie tous les nouveaux abonnés de Charlie Hebdo, « surtout Arnold Schwarzenegger », ou quand il suggère à Georges Clooney, qui arborait un badge « Je suis Charlie » aux Golden Globes, d’en faire autant. « Comme ça toutes les femmes de la rédac auront son adresse », souffle-t-il.

Mais au bout d’une petite demi-heure de conférence, Luz, qui répond à une question, s’arrête en plein milieu. « Excusez-moi, je suis fatigué », soupire-t-il. Après avoir essuyé ses yeux rouges avec sa cravate, il se lève, applaudit les journalistes et met la main sur son cœur. La réunion se termine là. Mais avec une certitude : au début de la conférence, Gérard Biard l’a promis, « il y aura un avenir ». Et un nouveau Charlie, dans les kiosques, dans deux semaines.

Le dessin catharsis
Après les attentats, Luz ne savait plus s’il pouvait dessiner. Mais dès jeudi soir, il a repris son crayon. Un premier dessin sort. Inspiré de ce qu’il a vécu. Un dessin « catharsis », qui ne sera pas publié dans le journal de mercredi. « Mercredi, quand je suis entré dans la rédaction,, j’ai vu des culs par terre. Des culs que je connaissais (…) Ça aurait pu être nos culs. J’étais obsédé par ces culs. Alors j’ai dessiné des culs, avec un crayon qui sortait et qui écrivait, avec du sang, ‘Liberté d’expression, mon cul' ».

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