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La séance de flagellation de Raïf Badawi annulée

Sidhartha Banerjee - La Presse Canadienne

MONTRÉAL – Les autorités saoudiennes ont annulé pour la troisième semaine consécutive, vendredi, la séance de flagellation que devait subir Raïf Badawi, alors que selon Amnistie internationale, la collaboratrice du blogueur aurait été libérée de prison.

Mireille Elchacar, agente de développement régional chez Amnistie internationale en Estrie, a confirmé que la séance de flagellation n’avait pas eu lieu vendredi, mais on en ignore encore les motifs exacts. M. Badawi n’a pas subi cette semaine un examen médical, comme c’était le cas auparavant lorsque les autorités avaient reporté les autres flagellations.

«Après la première fois, il a quand même dit à sa femme: « s’ils me fouettent encore la semaine prochaine, je vais mourir »», a indiqué vendredi Mme Elchacar, inquiète de l’état de santé du Saoudien.

Raïf Badawi a été condamné à recevoir 1000 coups de fouet, au rythme de 50 par semaine durant 20 semaines consécutives, pour avoir, selon les autorités du royaume, fait la promotion sur son blogue de réformes et demandé aux musulmans de faire preuve de plus de tolérance envers les non-musulmans. Il a aussi été condamné à 10 ans de prison et à une amende de plus de 300 000 $.

La femme de M. Badawi, Ensaf Haïdar, qui a obtenu le statut de réfugié au Canada et qui habite à Sherbrooke avec ses trois enfants depuis 2013, a déjà indiqué que son mari n’était plus en mesure de subir de nouvelles séances de flagellation.

Par ailleurs, Amnistie internationale a obtenu la confirmation, vendredi, que la cofondatrice du blogue, Souad al-Shammari, venait d’être libérée. La porte-parole d’Amnistie internationale Canada, Beth Berton-Hunter, n’a pu donner plus de détails, mais elle a indiqué que la fille de Mme Al-Shammari avait elle aussi confirmé, sur son compte Twitter, la libération de sa mère.

Mme Al-Shammari, mère de six enfants, a été emprisonnée en octobre après avoir été interrogée pour des commentaires, publiés sur Twitter, qui auraient été dérogatoires à l’égard des autorités saoudiennes et des textes sacrés. Selon les autorités, elle aurait aussi incité les femmes d’Arabie saoudite à se rebeller contre la tutelle exercée par les hommes dans ce pays — qui peuvent par exemple décider si une femme peut voyager à l’étranger.

Elham Manea, porte-parole de la famille Badawi, a tiré de cette nouvelle une lueur d’espoir. «Nous espérons qu’il obtiendra son pardon tout comme Souad al-Shammari», a-t-elle indiqué dans une entrevue téléphonique depuis la Suisse.

Changement de régime

Si elle avait eu lieu, la séance de vendredi aurait été la première depuis l’accession au trône du nouveau roi saoudien, Salman, à la suite du décès du roi Abdallah, son demi-frère. M. Badawi avait subi ses 50 premiers coups de fouet le 9 janvier, devant une mosquée de Djeddah, à la sortie de la prière du vendredi, et devait subir le même sort les semaines suivantes, mais ces séances ont été annulées — les 16 et 23 pour des raisons de santé, officiellement.

Arrêté en 2012 pour ses commentaires sur les autorités religieuses de ce royaume ultraconservateur, M. Badawi a d’abord été condamné en 2013 à une peine de sept ans de prison et à 600 coups de fouet, mais cette peine a ensuite été alourdie en appel.

Le sort de M. Badawi a été dénoncé par le ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, et par le ministre du Développement international, Christian Paradis, mais jusqu’à présent, Stephen Harper ne l’a pas fait directement, malgré la demande d’intervention personnelle formulée par la femme du blogueur et les partis de l’opposition. Le cabinet du premier ministre a plaidé jeudi que M. Harper ne pouvait en faire beaucoup plus.

Amnistie internationale soutient que plus d’un million de personnes ont déjà signé une pétition en ligne réclamant la clémence des autorités saoudiennes.

Si elle se réjouit de l’annulation de la séance de flagellation de vendredi, Mireille Elchacar estime qu’il est encore trop tôt pour «crier victoire». Au cours d’un entretien téléphonique, elle a rappelé que c’est en raison de l’état de santé de M. Badawi que les séances de flagellation ont été «repoussées», et que la peine, elle, n’a pas été annulée.

«Cette fois-ci, M. Badawi n’a rencontré aucun docteur, a-t-elle indiqué. Nous sommes un peu dans le néant.»

Mme Elchacar estime que la situation dans laquelle se trouve M. Badawi est très difficile, puisqu’il doit constamment se demander quel sort l’attend chaque vendredi. «On peut se douter que ce n’est pas bon pour sa santé psychologique et physique, observe-t-elle. Il est également diabétique: la cicatrisation se fait beaucoup plus lentement.»

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