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En Allemagne, les réfugiés se remettent en selle

BERLIN, GERMANY - MARCH 05: A boy from Afghanistan rides a bicycle he and his father just repaired at a container-settlement shelter for refugees and migrants in Zehlendorf district on March 5, 2016 in Berlin, Germany. Locals, many of them retirees, come to the shelter regularly to help the refugees and migrants, who are from countries including Syria, Iraq, Afghanistan, Kosovo and Serbia. The coalition partners of the German government announced on April 14 a new package of legislation that includes measures to foster the integration of refugees who have received asylum status in Germany. (Photo by Sean Gallup/Getty Images) Photo: Getty Images

Deux roues, deux pédales et un guidon : il n’y a rien de plus banal qu’un vélo. En Allemagne, où 1,1 million de demandes d’asile ont été déposées en 2015, il est pourtant devenu un symbole d’indépendance et d’intégration pour des réfugiés qui ont fui leurs pays en guerre. Sans travail, sans moyen de locomotion, nombreux sont ceux qui souffrent de l’isolement et de l’ennui. Des associations leur redonnent de la mobilité et des perspectives grâce à la précieuse bicyclette.

Trouver l’équilibre

«Attention, je ne sais pas freiner!», crie Gihada, mi-effrayée, mi-amusée, à l’intention du petit groupe sur lequel elle fonce involontairement. Deux femmes attrapent aussitôt son vélo vacillant. «C’est difficile de trouver l’équilibre, il faut se concentrer et j’ai des crampes aux mollets», explique la réfugiée syrienne, tout essoufflée. À 53 ans, elle monte sur un vélo pour la première fois de sa vie.

Au bord d’un terrain de sport berlinois, Annette Krüger filme ces premiers tours de roue avec émotion. Elle a créé le groupe Bikeygees l’hiver dernier avec des amies. Le principe : apprendre le vélo aux femmes réfugiées. Des dizaines d’initiatives de ce type ont vu le jour ces derniers mois en Allemagne. Ici, on enseigne les subtilités du rétropédalage et le code de la route; là, on récolte des vélos pour les redistribuer aux demandeurs d’asile; ailleurs, on organise des randonnées cyclistes.

«C’est notre façon à nous de souhaiter la bienvenue aux réfugiés, explique Jakob Schult, de l’atelier de réparation de vélos Rückenwind. Cela facilite leur arrivée en leur permettant de se déplacer et de découvrir leur nouvelle ville avec un engin économique, écologique et sain.»

Enfourcher un vélo pour faire ses courses ou emmener les enfants à l’école: si la pratique est courante en Allemagne, elle déroute au départ les nouveaux venus. Au Moyen-Orient, le vélo est un jeu plus qu’un mode de déplacement. Jugé indécent pour les femmes, il est même souvent réservé à la gent masculine.

MONDE Gihada réfugiée allemagne vélo
Gihada, épaulée pour se lancer sur sa bicyclette | Photos: Violette Bonnebas/Métro

En piste vers la liberté

«À vélo, tout le monde est libre d’aller là où il veut», s’enthousiasme Silva, 17 ans, originaire de Homs, en Syrie. Mais plus qu’un simple véhicule, le vélo est devenu une métaphore de ce que les réfugiées cherchent à retrouver par-dessus tout : leur indépendance, confisquée par la guerre puis étouffée dans un quotidien entièrement soumis à l’attente d’un titre de séjour. «Les réfugiés tombent dans une sorte de léthargie, raconte Annette Krüger, cofondatrice des leçons de vélo Bikeygees. Nous voulons les remobiliser.»

De nombreux réfugiés éprouvent aussi un sentiment d’échec de ne pas avoir pu rester dans leur pays, de ne pas avoir toujours pu protéger leur famille. «On ne peut pas leur rendre leur maison ou leurs proches qui ont peut-être été tués, poursuit celle qui entend développer l’empowerment chez les femmes réfugiées. Mais on leur montre qu’ici, elles peuvent réussir, avoir des expériences positives qui leur ouvrent de nouvelles perspectives.»

«Des réfugiés se font des amis allemands, des Allemands se lient avec des réfugiés. Notre objectif, c’est qu’au moyen du vélo, ils fassent finalement partie de la société et se sentent bien.» –Jakob Schult, de l’atelier de vélos Rückenwind

Kerstin, bénévole de l’association, approuve : «Pour les femmes réfugiées, c’est un moyen d’avoir confiance en soi, de faire quelque chose qu’elles n’ont jamais tenté auparavant et qu’elles n’auraient pas forcément pu faire dans leur pays d’origine.»

Les bénévoles espèrent désormais faire tache d’huile. «On espère maintenant que des groupes comme ceux-ci vont se créer un peu partout en Allemagne et dans d’autres pays, raconte Anne Seebach, cocréatrice du projet. Et que les femmes formées en formeront d’autres à leur tour.»

Le vélo, moteur d’intégration

As Refugee Flow Ebbs Germany Concentrates On Integration
Ahmed Moredji, un réfugié afghan, répare un vélo en compagnie d’Otto Minte, un bénévole qui travaille dans un atelier berlinois similaire à celui de Rückenwind.| Photos: Getty

«Il va falloir réparer les freins, changer la chaîne, mettre des phares et une sonnette», énumère Jakob, qui s’improvise mécanicien bénévole tous les lundis dans les locaux de Rücken-wind. Le vélo turquoise suspendu à un trépied appartiendra bientôt à Amna, 15 ans, originaire d’Idlib, en Syrie. Elle et ses trois frères ont été invités ce jour-là à choisir des vélos parmi quelque 200 dons entassés dans la cave.

Pour les réparer, ils peuvent compter sur Siamak. Grâce à l’association, ce demandeur d’asile iranien est l’heureux propriétaire d’un vélo tout terrain depuis deux mois. Mais il continue de venir toutes les semaines pour prêter main-forte. «Ici, explique-t-il, je peux apprendre la langue et de nouvelles compétences, rencontrer des gens, aider d’autres réfugiés.»

Dans une ville où un demi-million de personnes pédalent quotidiennement, l’initiative séduit : trois cents réfugiés sont sur liste d’attente, près de quatre cents en ont déjà bénéficié. Une petite communauté s’est formée, où on revient pour dévoiler une roue, participer à des courses cyclistes ou simplement prendre un café.

Beaucoup moins cher que les transports en commun, la voiture ou le taxi, le vélo permet aussi de se rendre aux multiples rendez-vous administratifs et à des entretiens d’embauche.

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