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Les Olivier, le piège d’une révolte consensuelle

Photo: Mario Beauregard/Métro

Le Gala Les Olivier était sur toutes les lèvres dimanche soir, sauf celles bâillonnées des humoristes solidaires à Mike Ward et Guy Nantel, écartés plus tôt cette semaine en raison d’un numéro de présentation litigieux. C’était la trame de fond de cette soirée, la révolte solidaire des humoristes contre la censure.

On ne pouvait pas ne pas en parler, c’était inévitable. Sur ce point, chapeau à François Morency qui avait le mandat très difficile d’animer cette soirée, mandat qu’il a relevé avec brio. Rien à redire.

Le hic avec le mouvement solidaire des humoristes, c’est qu’il était à la télévision, durant un gala, inséré entre deux pauses publicitaires et commandité par Jeep et Metro.

On saluait sur les médias sociaux le grand moment de télé qu’était la présence de tous les humoristes sur scène pour recevoir le prix de Mike Ward pour son podcast. Mais, ce n’était que ça, un moment de télé et un moment de télé, c’est bénéfique pour le producteur, le diffuseur et les commanditaires. Pour les humoristes, les artisans et les artistes, ça ne change rien. L’argent ne va pas dans les poches des artistes derrière le «grand moment de télé», elle reste dans celles des gens qui ont dit «ok, c’est beau, on peut les laisser faire leur petite révolte ça va être bon pour la visibilité».

Parce que soyez certains que si le mouvement des humoristes contre la censure avait véritablement dérangé quelqu’un, il n’aurait pas été vu à l’écran et on n’en aurait certainement pas fait la promotion sur les médias sociaux.

D’un autre côté, les humoristes ne pouvaient pas faire comme si de rien était. Je ne remets pas en question leurs intentions, absolument pas. La franchise transpirait dimanche soir. Pour ça, c’était beau de les voir avec un «X» rouge sur la bouche pour souligner l’absence de deux de leurs collègues.

C’était beau, mais ça ne change pas les choses les belles révoltes. Quand l’indignation devient un spectacle, elle perd de sa portée. C’est le double message envoyé par cette vague de solidarité des humoristes.

La réponse à la censure du numéro de Guy Nantel et Mike Ward, ce n’était pas de bonifier le spectacle du Gala Les Olivier avec une indignation consensuelle. Au contraire, pour véritablement envoyer un message les humoristes auraient dû laisser des sièges vides dans la salle. Imaginez un gala organisé par L’Association des professionnels de l’industrie de l’humour (APIH) sans la présence des humoristes. Le message envoyé est infiniment plus fort que les belles photos prises avec des «X» sur la bouche.

Il est là mon problème avec la soirée de dimanche. J’espérais une colère, quelque chose qui décoiffe, mais j’ai reçu la même chose que d’habitude – c’est-à-dire une petite grogne beige-vanille avec des rires forcés et beaucoup de maquillage. C’est la réalité d’un gala, clairement pas le lieu pour passer un message significatif.

La preuve, sur une trame d’indignation contre la censure, Mariana Mazza a vu ses remerciements coupés par la musique lui indiquant poliment de «sacrer son camp». Belle ironie, non?

AJOUT – semble-t-il que la coupure était volontaire et souhaitée par madame Mazza pour le gag. 

Comme je disais : quand l’indignation devient un spectacle, elle perd de sa portée.

Dans six mois, on ne parlera pas des changements de mentalités après la diffusion de ce gala. Non, on continuera de faire des blagues sur la trop grande présence des corporations frileuses et aseptisées dans nos vies et on se souviendra du «coming-out» forcé d’Éric Salvail via une blague de Martin Matte.

Tsé, les vrais gros enjeux.

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