Psychose avec Tony Accurso

Flottant dans son costard, le teint bronzé, les cheveux courts d’un blanc trahissant le visage carré d’un jeune premier foudroyé par la vie, Tony Accurso est assis derrière un bureau face à son destin.

Il fulmine, mais garde le contrôle, quand il fusille du regard la présidente de la commission Charbonneau et sa procureure, qui l’agace avec ses questions à n’en plus finir.

Comme un fauve, il est piégé dans le corps d’un simple justiciable malmené sur la place publique à des heures de grande écoute. Lui, Dieu le père de la construction, on le sent rougir. Depuis le fin fond de sa carapace, il tourne en rond, prêt à attaquer sa proie. Il a empilé tant de rancœur qu’il pourrait, d’un clignement de paupière, déchiqueter l’assistance.

Au détour d’une question mal posée, on le sent ruminer : «Que connaissez-vous de mon travail? Je suis le bâtisseur du Québec, l’homme qui a fait gagner un tas d’argent à l’État, aux partis politiques, au peuple, aux banques, au Fonds de solidarité FTQ, à tout le monde.»
L’une des rares fois où il a abaissé son masque, c’est quand il a souligné que les cocktails de financement sont une pure perte de temps, car ce qu’il faut avec un politique, c’est «un chèque».

Là, dans son regard noir, on voit sa conviction que chaque être a un prix, que personne n’est digne de respect, que son métier n’est pas pour les faibles et que l’État n’est que tracasseries bureaucratiques et taxes.

Il lui arrive d’oublier les conseils payés grassement à ses avocats, qui l’ont préparé comme un futur premier ministre avant un débat télévisé. Mais il se ressaisit, pas question de succomber à la colère, car le Québec le scrute.

En suivant sans arrêt son témoignage à la télé, j’ai fini par avoir peur de ce Tony Accurso. Malgré le lot impressionnant de preuves accumulées contre lui, il ne s’est avoué coupable de rien et a essayé même d’intimider la commission.

Certes, le gars n’a tué personne, mais la finale de Psychose, le chef-d’œuvre d’Hitchcock, trotte dans ma tête depuis son témoignage. Dans cette fameuse scène, le coupable est seul dans une cellule après avoir été démasqué. Assis sur une chaise placée contre un mur, il est enveloppé dans une couverture dont ne dépassent que sa tête et sa main droite. Le traveling avant de la caméra nous montre un être impassible au regard troublant. Des yeux, il suit une mouche qui atterrit sur sa main. Il quitte du regard l’insecte et esquisse un sourire narquois, avant de fixer la caméra d’un regard intriguant. Il dit de sa voix hors champ : «Ils m’observent sûrement. Je m’en fiche. Je ne vais même pas chasser cette mouche. Ils comprendront et ils diront : “Mais il ne ferait pas de mal à une mouche.”»

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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