De brute à barbu!

Enfant, c’était déjà une brute. Même en jouant à cache-cache, aux billes ou à n’importe quel autre jeu, il avait la manie de faire un geste brutal ou de glisser une insulte ou une menace.

Pour une partie de foot, au lieu de ses chaussures de sport, il enfilait fièrement ses robustes brodequins. Durant le match, il ne pratiquait aucunement ses dribles, ses passes ou ses relances. Ce qui l’intéressait par-dessus tout : casser des jambes.

Avec ses tacles dangereux, dans sa lancée, il lui arrivait d’arracher les pieds de ses coéquipiers. Après son méfait, il affichait son horrible sourire narquois tout en lançant à sa proie : «Femmelette, joue comme un homme.»

Adolescent, il abandonna ses études pour errer, à longueur de journée, dans les rues de notre patelin avec des loubards comme lui. Il se murmurait entre les branches qu’ils épiaient leurs proies nocturnes, des visiteurs perdus, pour les piller, voire les violer.

Il avait beau se prendre pour une belle gueule, ses éclats de rire pires que les hurlements d’un loup dans sa tanière le trahissaient. Pour saluer n’importe qui, il adorait écraser les doigts pour prouver sa virilité. Faire peur le réjouissait au plus haut degré.

Dans la foulée de la mode disco des années 1980, il a commencé à organiser des boums avec sa bande. Le samedi après-midi, avec leurs copines, ils se faufilaient dans l’une des maisons calfeutrées du groupe. La musique à tue-tête se mélangeait alors aux cris de défoulement des filles, loin des regards inquisiteurs de la cité.

Soudain, la brute s’est trouvé une vocation! Il est devenu batteur au sein d’un groupe de musique populaire qui anime des mariages. Il a loué une chambre dans le quartier le plus chaud du bled, où il passait ses journées à pratiquer son répertoire avec son groupe.

Un jour, une rumeur enflamma notre quartier. La brute aurait fait perdre sa virginité à une jeune voisine écervelée. C’était la panique. Un mariage précipité a camouflé le scandale. Évidemment, le divorce n’a pas mis bien longtemps à être prononcé.
Dans la foulée, la brute a disparu des radars, avant de réapparaître en arborant une barbe. Il a trouvé un travail dans la tôlerie d’un islamiste et ses fréquentations ont changé abruptement. Il a délaissé sa bande et ne s’est plus affiché qu’avec des barbus qui sont devenus la nouvelle mode sur ma planète d’origine, à la fin des années 1980.

Peu de temps après, le grossier barbu a ouvert sa propre tôlerie et s’est remarié. Sa mère et sa sœur portaient désormais le voile, et sa nouvelle épouse était comme une silhouette, un fantôme derrière les rideaux! La brute s’est casée, et sa famille s’est enfermée, à jamais.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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