Appel aux musulmans du Québec

Si je m’adresse à vous aujourd’hui, ce n’est pas parce que le monde musulman est malade et que sa maladie ronge son cœur, l’Arabie saoudite, un État moyen-âgeux qui dispose de moyens financiers illimités lui permettant d’attirer vers le bas votre religion.

Si je m’adresse à vous, je ne rejette pas du revers de la main les infâmes injustices subies par vos frères et sœurs palestiniens, ni les milliers de meurtres d’innocents musulmans causés par les frappes des drones américains, ni ceux de l’administration Bush en Irak.

Si je m’adresse à vous, ce n’est pas non plus pour vous mettre sur le dos le fardeau de l’actualité terroriste. Je suis convaincu que l’islam n’a rien à voir avec les attentats qui ont meurtri la France.

Si je m’adresse à vous, c’est que l’heure est grave. Ce qui s’est passé en France est nébuleux et présage une recrudescence de la violence partout. En lançant ces attaques contre Paris, ceux qui les ont commanditées, et dont on ignore l’identité, tablent sur l’effet domino. Ils savent que la France résistera avec l’appui inconditionnel de l’Occident, au risque d’embraser le monde musulman.

L’escalade n’est plus à écarter, d’autant plus que la culture de la pensée paresseuse a envahi l’Occident. De plus en plus de ses journalistes, artistes et intellectuels ne font que répéter, comme des perroquets, des slogans. Ses peuples se soumettent ainsi à une représentation du musulman dépourvu de jugement.

En ces moments graves, il faut enterrer la hache de la colère et prôner l’apaisement par le dialogue.

En Occident, deux univers se côtoient. Le premier est laïc et représente la majorité. Historiquement, il a inscrit en lettres gravées dans le marbre sa liberté d’expression et son droit au blasphème, d’abord contre le christianisme et le judaïsme, avant l’islam. Le deuxième est croyant et représente une minorité dont vous faites partie. Vous devez, plus que jamais, gérer un dilemme qui vous tiraille entre votre norme religieuse qui se trouve, des fois, en contradiction avec la norme sociale laïque.

En Occident, c’est la norme sociale laïque qui doit avoir préséance, car le sacré des uns ne doit pas s’imposer aux autres. En cas de conflit, la justice laïque est au-dessus de tous.

Le moment est venu pour vous d’arrêter de réagir, mais d’agir. Il faut clamer que la spiritualité musulmane n’est pas la contrainte de juste tolérer le «mécréant», mais surtout de le respecter et d’accepter sa liberté, même si celle-ci heurte votre foi.

Initiez des débats publics, pas seulement ceux où vous discutez la montée de l’islamophobie. Débattez sur la place des musulmans dans une société multiconfessionnelle et sur la place dans l’islam des libertés d’expression et de conscience, de l’égalité hommes-femmes, de l’orientation sexuelle, de la séparation de l’État et de la religion, de la reconnaissance du pluralisme religieux, etc.

Vous aurez plus de chances d’être ce maillon manquant qui permettra de mettre en commun le meilleur des deux civilisations musulmane et occidentale, pour le bien de tous!

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.