Dans la peau d’un «musulman» ordinaire

Photo: Ryan Remiorz/The Canadian Press

Il est laïque affirmé, rejette l’extrémisme et adhère aux valeurs universelles de sa société d’accueil. Il ne porte aucun signe religieux, ne fréquente plus la mosquée et célèbre les fêtes religieuses pour contrer l’oubli.

Pourtant, presque chaque matin, il se lève la gorge nouée et le cœur serré, car, la veille, même s’il n’a pas été cité nommément, on a parlé de lui, partout, à la télé, à la radio, dans la presse écrite et sur les médias sociaux.

Chaque fois qu’un fou fait un carnage «au nom» d’Allah, on s’en prend aux siens, à leur culte et à leurs us et coutumes. Les commentateurs s’amusent à dénigrer la culture de ses parents, de ses proches et de sa société d’origine. Les siens sont systématiquement montrés du doigt et ridiculisés aux heures de grande écoute. Ils sont devenus la risée de la planète.

Dans la rue, son teint basané et son accent le trahissent automatiquement. On le regarde de travers, qu’il marche, emprunte le transport en commun, reçoive les services d’un fonctionnaire ou se fasse servir dans un magasin, un restaurant ou au bistro du coin!

Au travail, il n’ose plus aller à la machine à café, car c’est devenu un calvaire. Au mieux, il a droit à l’apitoiement de certains collègues qui lui lancent des mots arabes à tout bout de champ, pour dérider de surcroît l’ambiance. Au pire, les narquois le fatiguent sournoisement avec leurs blagues nauséabondes sur Al-Qaïda ou lui collent sans cesse le sobriquet odieusement ridicule de «terroriste».

La pilule aurait pu finir par passer avec le temps, mais depuis qu’il est devenu papa et que ses enfants fréquentent l’école, l’ambiance est lourde à la maison. Que répondre à sa progéniture qui se fait aussi écœurer dans la cour de récréation? Que dire à son môme qui, les yeux dans les yeux, lui demande : «Papa, a-t-on vraiment tué Charlie?»

Pourtant, pour changer de vie, il a choisi un pays apôtre de la laïcité, un système de vie qui met de l’avant la concorde et qui permet à des citoyens d’origines diverses de vivre et de s’organiser dans la société avec leurs singularités, dans un sentiment d’inclusion et d’entraide.

En Occident, des millions se demandent comme lui : où s’est-elle volatilisée, cette laïcité qui permet à des gens, quelles que soient leurs croyances, leurs origines culturelles et leurs conditions de vie économiques et sociales, de tisser des liens citoyens et de bâtir une cohésion nationale pour s’entendre dans le respect les uns des autres et la confiance et non la défiance?

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