Le «délire» arabe à Montréal

Samedi dernier, le Festival du monde arabe (FMA) s’est mis en branle à Montréal sous le thème du délire. Et ce fut le cas. Offrir le spectacle d’ouverture du FMA à un band turc est un hymne à la diversité de cet immense espace géographique largement médiatisé, mais diablement méconnu, voire méprisé.
Le monde dit arabe n’est pas qu’arabe, car il est aussi berbère, arménien, kurde, perse, turc, africain, juif, chrétien, musulman, athée, non pratiquant et humain.

Cette soirée-là au National, sur Sainte-Catherine, le public médusé a eu droit à une prestation électrisante de cette mosaïque «arabe». Le quatuor turc Baba Zula a interprété du rock psychédélique puisé dans cet Orient multicolore.

Avec un synthétiseur, un tam-tam, une sorte de sitar électrique miniature et un luth à la Jimmy Hendrix, Baba Zula a offert une musique du monde aussi profonde qu’elle connecte instantanément l’être à son âme et lui donne envie d’embrasser la foule dans sa diversité.

Transporté sur un nuage de jubilation, le public joyeux rayonnait, tapait des mains, se déhanchait, riait et renouait avec cette subtile histoire du monde dit arabe, pas celle tronquée ou falsifiée dont on parle trop souvent.

L’espace d’une soirée, l’assistance replongea dans le passé de l’Arabie, du pourtour méditerranéen, du fin fond de l’Afrique, des origines de la musique contemporaine. Le public a eu droit à un mélange subtil de musique gnawa, andalouse, gospel, jazz, blues et donc à un rock intense porté par un chant mélancolique d’une incroyable et électrisante beauté.

Après le premier entracte, trois des quatre musiciens de Baba Zula sont descendus de scène dans une sorte de procession musicale exaltée pour rejoindre le public. Sur le parterre, ils ont invité la foule à s’asseoir sur le sol pour communier dans l’extase. Un moment de pur plaisir d’une foule colorée et en transe.

Par magie, j’ai replongé dans la musique de mon enfance et de ma jeunesse lors de veillées populaires où la foule s’engageait dans une noria délirante dans les ruelles, au milieu des youyous, des klaxons et des rires. Femmes et hommes de tout âge dansaient et chantaient à tue-tête. L’exultation.

Cette ouverture du FMA le soir de l’Halloween exorcisait ce monde dit arabe, engagé dans une éternelle lutte entre l’obscurantisme et l’humanisme, entre l’horreur et l’amour, entre la barbarie et la joie de se fondre dans la foule, entre l’interdit obscur et le plaisir d’être heureux au milieu d’humains qui ne sont là que pour fêter. Pour vivre.

La citation du discours d’ouverture empruntée au poète perse Omar Khayyam par la porte-parole du FMA, Mme Rachida Azdouz, prend alors toute sa signification : «La nuit n’est peut-être que la paupière du jour.»

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