Génération tout seul

«J’vas m’arranger tout seul.»  Cette phrase-là, je l’ai eue dans tête un million de fois. Est-ce que c’est générationnel? J’espère que ce n’est pas juste personnel. Ironique, un lone wolf qui ne veut pas être solitaire dans son défaut de lone wolf. Générationnel ou pas, je sais que j’ai ça très fort pogné en moi, à côté de mon amour pour le chocolat.

Avant l’arrivée des tutoriels au début des jeux vidéo, tu devais lire les directives dans le p’tit livret. J’ai jamais lu une maudite directive de règles de jeu, de pitons, de trucs. D’la shnout! J’apprendrai en chemin. «J’vas m’arranger tout seul!» J’y arrivais, je finissais le jeu, puis après j’allais voir dans le livret et découvrais une information ou deux qui auraient pu me rendre la tâche six fois plus facile. Comme une façon rapide de sauvegarder, ou monter son énergie. Bref, le genre d’informations qui m’auraient épargné de recommencer douze fois les mêmes bouts.
Je vous ai déjà parlé de cette dépression que j’ai faite y a quelques années. J’ai tellement essayé de la cacher. «J’vas m’arranger tout seul!» Quand j’ai commencé à en parler, je me suis rendu compte que tout le monde le savait, le voyait. C’était comme ces soirées où t’es un peu trop gorlo puis que tu fais des niaiseries. Tant que t’en parles pas, personne t’en parle, et toi t’es sûr que tout est beau. Mais aussitôt que t’as des flash-back, que tu laisses aller des : «Ouf, ouin je l’ai échappé l’autre soir…», ça part. Tout le monde t’arrive avec une histoire, une chose que t’as dite, faite. Une vérité que tout le monde gardait pour soi. Mais maintenant, que t’es à l’aise d’en parler… «Man, quand t’as fait la poule sur la table d’la cuisine pis qu’elle a pété!» Dans mon cas c’était : «Man, quand t’animais à Drummond…
tu feelais pas.»

Consulter, prendre des pilules, j’haïs ça. Je suis un vieux bonhomme de 65 ans dans les années 1950. J’essaie de tout régler avec un verre d’eau et du miel. Ma dépression? Un verre d’eau. Ça va passer. Ça a passé, ça juste pris cinq fois plus de temps et été cinq fois plus pénible que si j’avais été suivi. À ne pas faire. Sérieux, à ne pas faire. C’est dangereux.

Ma dépendance à la porn que j’ai abordée la semaine dernière. Quand j’ai finalement consulté, pour autre chose, j’avais pratiquement déjà fait le tour de ce problème tout seul. Je voulais me nettoyer de cette dépendance avant d’avoir de l’aide. Comme faire le ménage avant que la femme de ménage arrive. Ça aussi, ça aurait passé plus vite et plus facilement si j’avais consulté. Mais, lone wolf. «J’vas m’arranger tout seul!»

Depuis peu, j’essaie de changer ça. Je ne sais pas si j’ai moins d’orgueil, ou moins d’énergie pour accoter mon orgueil. Ça demande de l’énergie s’arranger tout seul. Maintenant, j’aime mieux la dépenser ailleurs. De toute façon, faut bien brûler le chocolat.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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