Joyeuse fête des frères

Hier, c’était la fête des Pères. Moores a vidé ses réserves de cravates, puis le Canadian Tire a vendu son lot de drills et de marteaux. Plein d’amour a été dit en vrai et écrit sur Facebook, et plein de monsieurs, pas à l’aise de l’amour donné par leurs enfants, ont mâché un merci timide. Puis, y avait nous, les enfants de pères disparus, morts, absents, présents mais aucunement paternels, plus violents qu’aimants, plus alcoolos que rigolos, bref, les enfants sans père à qui donner une cravate.

C’est tabou, gênant. J’ai failli changer d’idée de texte, vous raconter ma transmission qui lâche sur la 20 à 2 km du Madrid mercredi passé, quelque chose de léger, de funny. Je me suis dit : «Ah, je vais pas écrire sur les pères absents physiquement ou psychologiquement, le lendemain de la fête des Pères. C’est lourd, puis pas le goût d’avoir de la pitié de marde en plus.» C’est exactement pour ces raisons que je vais en parler, parce qu’on n’en parle pas, parce que c’est sale, parce qu’une voix m’a dit de pas le faire. J’aime pas les voix qui me disent de ne pas faire quelque chose, même quand c’est la mienne.

Le mien, ça y tentait juste pas d’être père. Un ermite fan de musique qui voulait plus de la compagnie une fin de semaine sur deux qu’un fils. Rien de violent, du moins physiquement. Un mélange entre Homer Simpson et Elvis Gratton, joyeux personnage quand tu le croises à un souper, moins joyeux quand t’en es la progéniture. Par expérience de jasage, je sais que c’est loin d’être une histoire unique, des pères plus géniteurs que guides, y en a un paquet. Qu’est-ce que tu fais quand t’en as pas de guide, soit parce qu’il est parti, décédé, ou juste… «innintéressé»? Tu regardes autour, tu cherches des frères.

J’en ai eu plein, des frères, plus vieux, de mon âge, plus jeunes. Quand t’allumes que ton guide est absent ou défectueux, t’as deux options : bouder ton malheur ou regarder ailleurs, abandonner ou avancer. Y a de la chance, mais y a surtout de la volonté, si tu veux apprendre sur le tas, le tas va venir à toi. Un tas d’oncles, de profs, de coachs, d’amis, de collègues, d’étrangers, de vedettes de cinéma ou sportives, m’ont appris directement, mais surtout indirectement, des leçons parfois banales, parfois essentielles. Changer une transmission, ça, personne ne m’a appris. Mon char est donc mort dans une cour à scrap près du Madrid. Normand L’Amour en a peut-être composé une toune. «Transmimimi… mission en mission divineeenenene».

Bref, je pète l’abcès, fais face au frette. J’expose ces pères absents, pour mettre au grand jour ces frères présents. Beau-père, beau-frère, oncle, prof, patron, collègue, ami, idole, merci d’être là, le temps d’une discussion, d’une leçon, qu’elle soit voulue ou non, consciente ou non. On vous regarde aller, on prend des notes, Moores ne fait pas de spéciaux pour vous célébrer, mais on pense à vous. Joyeuse fête des Frères.

 

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.