Bon voisinage

Avoue que c’est weird. Être autant de monde sur une île, coude à coude, sentir l’odeur de tout un chacun, entendre Kings of Leon sortir des écouteurs du gars à côté de toi, sans jamais même se dire bonjour. Et quand tu le fais, tu passes pour un bizarre, un illuminé. Parfois je pense que j’ai pas vraiment 31 ans, j’ai plus 76, j’ai une salopette, je fume la pipe, pis je m’ennuie du temps où le monde se parlait, se rendait des services gratis. Je m’ennuie du bon voisinage.

Ça explique peut-être mon amour pour Fred Pellerin. Mais ça va au-delà de ça, des maisons en bois rond, du «Me passerais-tu du sucre», du «Sers-moi fort, faut m’enlève un clou du pied.» Et je sais que je ne suis pas seul. Je pense que, derrière notre grosse carapace urbano-occidentale, se cache encore, sous un verre en carton Starbuck et une démarche pressée, un villageois sensible aux autres. Sinon, les histoires de solidarité nous toucheraient plus.

Exemple, Interstellaire, que je suis allé voir l’autre soir. Quel film!! J’étais en état de choc quand je suis sorti du cinéma. J’avais rien vécu de tel comme feeling depuis ma sortie du show The Wall au Centre Bell et la première fois où j’ai fait le vampire à La ronde. C’était la première fois de ma vie que quelqu’un applaudissait une scène dans la salle, et que je l’ai pas jugé. J’ai pas applaudi… mais en dedans… j’étais d’accord. Solitairement uni. Pendant le film, tout le monde dans la salle gueule, pleure, vit les émotions, vit à fond la quête, la survie humaine, les relations d’entraide, à fond… tout le monde… en même temps. Tu te lèves… silence, personne se parle. Ça m’a fait penser à ce vieil épisode des Simpsons quand ils se retrouvent dans le futur. Et y a un hologramme d’un arbre avec une plaque «En mémoire d’un vrai arbre». C’était en plein ça. Deux cents personnes devant un écran où on aurait pu lire sur une plaque «En mémoire d’une solidarité».

Si ça nous touche autant une histoire où l’humanité ne compte plus que des cultivateurs, s’entraide pour survivre, avec une équipe qui part en mission pour sauver le village, c’est que quelque part… le village est pas mort.

Des restaurateurs ici ont commencé à donner des verres de vin mousseux aux clients qui apportent des paires de bas pour les sans-abri. Le lieutenant Dan dans Forest Gump le dit : «Toujours garder ses pieds au sec!» Tu t’obstines pas avec le lieutenant Dan. Tu vois, ça, ça fait du bien à mon vieux monsieur. Ça y donne une p’tite swigne de plus sur sa chaise berçante. Ou hier, la marche pour sauver Radio-Canada. C’est l’fun quand le village se tient ensemble. Faudrait faire ça plus souvent.

P.S. : Ça fait quelques personnes qui m’écrivent pour me dire qu’elles m’ont vu dans le bus, mais étaient trop gênées pour me parler. Gênez-vous pas, j’vais toujours tasser ma pipe pour une jasette.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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