La neige a neigé

Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas eu autant de neige avant Noël. «On» étant les Montréalais et leurs voisins des alentours. Parce que partout ailleurs au Québec, c’est souvent blanc depuis un bout rendu aux Fêtes. Mais pour notre p’tit coin, il me semble que depuis des années, on se demandait même si on allait avoir de la neige à temps pour l’arrivée du père Noël «gorlo» dans la cour.

C’est important, la neige, dans le décor des Fêtes. Un Noël au Québec sans neige, c’est comme Paris sans tour Eiffel. C’est comme une danse dans un gymnase d’école primaire sans jeux de lumière cheap sur la table de DJ. C’est comme Guns N’ Roses sans Slash. C’est comme le Canadien sans gérants d’estrade. C’est comme un buffet sans quelque chose de piqué avec un cure-dent. C’est comme un échange de cadeaux sans bibelot. C’est comme un mariage sans YMCA. C’est comme camper sans feu de camp. C’est comme une chronique d’humoriste sans comparaison.

J’ai toujours une petite pensée pour les nouveaux arrivants qui débarquent au Québec pour la première fois de leur vie à ce temps-ci de l’année. Avoue qu’elle nous gosse, la neige, que t’aimes pas pelleter, te stationner à Montréal dans les rues pleines de neige, de pousser ta voiture qui «spine». La neige, c’est froid, mouillé, lourd… C’est dégueulasse. Mais…

Mais… Quand un immigrant arrive, qu’il se rend compte dans quel pays il a mis les pieds, avoue que t’es un peu fier. T’es fier de dire que, toi, ça fait 20, 30, 40, 50, 60 hivers que tu traverses ici. Que t’as poussé ton lot de voitures. Que t’as pelleté ton lot de bancs de neige. Que t’as monté ton foulard plus d’une fois pour te protéger du vent. Que t’as eu ta morve gelée plus d’une fois entre ta narine et ta lèvre. Qu’en comptant, t’as sûrement marché quelques kilomètres de dos, si on calcule toutes les fois où le vent est si fort, si froid, que l’affronter de dos est la seule option.

On chiale quand on est entre nous autres, mais on est fier quand on est devant des nouveaux arrivants. «Attends voir», qu’on leur dit. «Tu penses qu’il fait froid? Attends voir en février, mon gars!» Et on rit, parce qu’on sait. On sait ce qui l’attend… Le vent glacial, humide, qui te transperce les os. «Tu trouves qu’il y a beaucoup de neige? Attends voir d’aller visiter tes amis à Saint-Jean-de-Matha!» On sait que là, comme à plusieurs endroits au Québec, les bancs de neige montent tellement haut que tout ce que tu vois quand tu passes sur la rue, c’est des toits de maison. «T’es tanné de l’hiver? Attends voir fin mars, début avril!» On la connaît, la dernière tempête, quand tu penses que c’est fini, et que l’hiver revient plaquer tes envies de terrasse contre le sol.

On se tient fier, comme des Vikings devant des voyageurs maigrichons. Parce que la neige au Québec, c’est identitaire. C’est plus que de belles cartes postales, ça fait partie de notre ADN. On chiale beaucoup, mais dans l’fond, on l’aime, et si du jour au lendemain, on la perdait, on perdrait une grande partie de nous. La partie qui aime dire qu’ici… on a déjà vu la neige neiger.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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