Critiquer les critiques

Un jour je vais sûrement avoir de mauvaises critiques venant de critiques reconnus. C’est inévitable. Même Fred Pellerin et un chaton blanc en ont probablement déjà eu. Si j’attends ce jour pour donner mon avis sur le métier de critique, on va dire que je suis un gros bébé lala qui a perdu sa sucette. Donc, je m’y prends à l’avance. J’ai rien à gagner, rien à perdre. Juste une opinion comme ça, une critique des critiques. (Finalement, pas certain que je n’ai rien à perdre. Bha…YOLO! Comme disent les jeunes.)

Le critique exerce une profession publique qui a ses to do et not to do. Il y a des bons et des mauvais critiques. Et le métier de critique de critiques n’existe pas. Les seules qui osent les critiquer sont souvent des artistes en réaction, aussitôt jugés sensibles, vengeurs. Comme si les critiques étaient irréprochables, comme si on ne pouvait jamais faire de commentaires négatifs, ou constructifs, sur leur façon d’exercer leur profession. Des boxeurs à la mâchoire de verre.

Je crois qu’un bon critique doit connaître l’art qu’il critique plus que le citoyen moyen, et autant ou plus que les artisans qui le pratiquent. Avoir une culture générale qui dépasse les frontières, connaître sa langue et les influences planétaires des artistes locaux, qui remontent à loin dans le temps, aux racines, aux premiers maîtres de cet art, et qui creuse dans la nouveauté, l’underground, d’ici et d’ailleurs. Sinon, pourquoi on paierait cette personne plus que Nicole dans la section Courrier des lecteurs? Est-ce que tous les critiques répondent à ce critère? Pas certain. «T’es un humoriste qui critique toujours la société! Connais-tu tout de la vie?» Un humoriste n’est pas l’albatros volant au-dessus du navire. Un humoriste, c’est un matelot aussi perdu que tout le monde, mais avec juste assez de recul et de répartie pour faire rire l’équipage sur ses misères.

Je pense qu’assumer le côté subjectif de la critique est très important. Un critique n’est jamais totalement objectif, alors aussi bien l’assumer, et faire les nuances nécessaires, avoir l’humilité requise : «Je comprends que je ne suis pas le public cible, mais ça fonctionne. Si vous aimez X, c’est pour vous.» C’est toujours pour quelqu’un. Ou si, dans le genre, c’était très mauvais, ajoutez un petit «selon moi». Un critique professionnel qui prétend qu’une œuvre est mauvaise point, et non que «selon lui», cette œuvre est mauvaise, s’élève au-dessus du critique, s’autoproclame juge absolu du bon et du mauvais. C’est s’éloigner du critique et s’approcher du connard.

Critique est un métier en voie de disparition. En fait, le métier va sûrement rester tant qu’il y aura des médias (papier, radio, télé, web) prêts à payer quelqu’un pour des critiques. C’est plutôt l’importance, la notoriété du critique qui est en voie de disparition. La critique s’est démocratisée. Les médias sociaux, les blogues, les commentaires sur les sites de cinéma, de musique, de télé, de livre, ont élevé le trottoir du citoyen au niveau de la tour d’ivoire du critique. Aujourd’hui, le citoyen érudit regarde le critique droit dans les yeux et lui dit : «Bien moi, j’ai aimé/ou pas ce film, cet album, ce spectacle, cette émission, ce livre, et voici pourquoi.» Comment le critique prend sa perte d’importance et de notoriété? Faudrait lui demander.

Sinon, j’ai rien contre la critique. YOLO!

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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