Je bouffe pis je m’en fous

NEW YORK, NY - NOVEMBER 09: Front pages from New York City newspapers feature President-elect Donald Trump on November 9, 2016 in New York City. Trump is due to meet with President Barrack Obama Thursday at the White House. (Photo by John Moore/Getty Images) Photo: John Moore/Getty Images

Mercredi matin, Jérôme s’est levé, il a fumé une clope en buvant un café et il est allé chier une crotte biéreuse. Su’a bol, comme un bon consommateur ordinaire plutôt pressé, il a parcouru le journal. «Trump est élu président». Rien n’avait changé dans sa vie. Son bronze coulait à merveille. Dans sa vie, rien ne change jamais. Il se concentre sur les vrais affaires: manger pis chier. L’un appelle l’autre.

Il a déjeuné dans un restaurant cool. C’était savoureux! Son œuf bénédictine a coulé sur une citation d’Obama : «Nous devons nous rappeler que nous sommes tous dans la même équipe.» Bouchée de bacon. Selon un communiqué de la Maison-Blanche, Barack a appelé Donald Trump pour le féliciter de sa victoire et lui a exprimé «son admiration pour la solide campagne qu’il a menée». Ça se passe bien au sud, alors!

Au dîner, ça parlait encore des élections. La table d’hôte était succulente. Le téléphone de Jérôme a reçu une alerte : «Les républicains conservent la Chambre des représentants et, en plus, le Sénat!» Ah bon? La crème pâtissière dans ce dessert orgiaque devrait venir en fût, fuck que c’est bon!

Le mercredi soir, Jérôme mangeait seul au bar d’un resto face à une «tivi». Un analyste pessimiste ou optimiste, c’est pas clair, disait: «Faudrait demander aux Irakiens de George Bush, aux Nicaraguayens de Ronald Reagan ou aux Japonais de Harry Truman c’est quoi, la fin du monde? Pis si y’ont particulièrement peur de Trump? Comme si, en matière de cowboys psychopathes, les États-Unis en avaient pas déjà gerbé une sale batch.» Jérôme a plus ou moins compris son point de vue, il s’en fichait; la bouffe était délectable!

Comme un kraken libéré des mers, Jérôme mangeait tout ce qui pouvait entrer par la circonférence de sa bouche. Radio-Canada faisait des prévisions. On sait jamais s’ils parlent de politique ou de météo, eux autres. Tel un Gérard Depardieu, Jérôme glissait de très longues saucisses juteuses directement dans son œsophage entrecoupé de rots opaques. TVA clamait que Trump aime les bretzels. Jérôme aussi! Comme un foodie, il a pris un selfie devant son tataki au sésame pendant qu’une journaliste s’indignait: «En 2016, on peut être président des États-Unis malgré des allégations d’attouchements sexuels, malgré qu’on soit un climatosceptique, malgré l’appui du Ku Klux Klan et malgré que 71 % de ses déclarations soient fausses.» Personne n’est parfait, se dit Jérôme, repu, détachant un bouton de pantalon pour se gratter la poche.

«Plus les scientifiques annoncent la fin du monde, plus les émissions de cuisine sont populaires.» C’est pas fou. Jérôme n’est même pas abonné au Devoir, mais à Zeste télé, certain!

Jérôme est rentré à la maison, peinard. Il est allé pisser le bon vin qu’il avait bu. Il s’est couché en lâchant un gros pet en guise de bonne nuit à l’humanité. Soulagé de n’avoir rien à se reprocher sur les problèmes des autres. Sa vie, à lui, ne change pas.

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