«Des souvenirs intimes qui font écho à la lutte collective»

Photo: Gracieuseté - Archives de la famille

Organisatrice politique et porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Mme Virginie Larivière est diplômée en science politique et en sciences de l’environnement. Sa publication a beaucoup été partagée sur les réseaux sociaux et nous avons décidé de la publier ici, avec son autorisation.

***

Il y a 25 ans aujourd’hui que ma petite sœur Marie-Eve est disparue. Demain, ça fera 25 ans qu’on a retrouvé son petit corps meurtri, violé et sans vie, abandonné dans la neige fondante d’un printemps précoce et trop pluvieux.

À onze ans et onze mois, ma sœur, un regard de tempête, des boucles rebelles sur la tête, des idées braques, des envies de grandeur et des projets d’avenir déjà, s’est fait voler les cinq dollars qu’elle avait dans les poches pour acheter le pain du souper. Ma sœur, pianiste, cabotine, indocile et indignée, rieuse, écrivaine et impatiente a trouvé la mort entre les mains d’un homme que l’on cherche encore.

Demain, ce sera aussi la Journée internationale des droits des femmes.

Une absurde coïncidence qui me rappelle à ma sœur volée, à ma sœur-légende, à mes souvenirs troués que je magnifie de couleurs inventées pour duper l’oubli qui rôde après 25 ans d’absence.

Une douloureuse synchronicité qui me rappelle aussi à toutes ces femmes autochtones, sœurs volées qui, dans une morbide indifférence, sont disparues-et-pas-encore-retrouvées ou ont été assassinées.

Un cruel hasard qui me rappelle à toutes celles que l’on ne croit pas; à ces indécentes étiquettes que l’on pose sur celles que l’on condamne non pas d’avoir été victimes, mais de ne pas avoir su l’être parfaitement.

Une ironie débile qui me fait m’affoler dès les premiers jours de mars. Parce que ces dates, du 7 et du 8, me rappellent intimement au pire. Mais aussi parce qu’on devra collectivement se rappeler au pire pour expliquer, nommer, justifier, légitimer et répéter l’importance de la Journée internationale des droits des femmes.

Je déteste cette journée. Mais, d’ici à ce qu’on s’affranchisse de sa nécessité, faudra la souligner fort. Aussi fort qu’on est nombreuse à ressasser le pire ou à le redouter.

La publication originale est ici.

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.