Ne filme pas, c’est mon enfant sous ce drap

Photo: Getty Images/David Ramos

Le journaliste Matthias Somm était sur la promenade des Anglais peu de temps après l’attentat de Nice afin de filmer des images pour BFMTV. Voici son récit poignant, publié après le drame. Nous avons décidé de le publier ici, avec son autorisation. Attention, ses mots peuvent choquer.

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«Ne filme pas, c’est mon enfant sous ce drap».

La nausée. L’impression d’avoir pris une décharge.

Je suis arrivé hier soir entre 23h et minuit sur place. Au milieu de la promenade, les autorités stoppent les voitures. Je me gare comme je peux et très vite, commence à filmer.

Des corps partout. Du sang. Un scooter brulé par la trainée. Une poupée, seule.

Et le pire, tous ces enfants, dont seul un drap cache la vision. Unique rempart contre l’enfer qui a pris place ce soir.

Des corps déchiquetés. Une cervelle se décompose sur plusieurs mètres. Du sang sur la voie.

Déjà, les familles se regroupent autour de leur(s) proche(s) disparu(s). Nombreux sont les habitants à avoir perdu un être aimé ce soir. D’autres corps restent seuls. Abandonnés.

Je filme toujours, ce que je peux. Hors de question d’afficher des familles, ou de permettre d’identifier quelqu’un.

Encore des corps. Sur toute la promenade. Un homme me voit passer avec la caméra. Il hurle.

«Ne filme pas, c’est mon enfant qui est sous ce drap».

Il me rattrape. J’anticipe un mouvement de violence, plus que justifié à cet instant.

Mais c’est un homme en uniforme blanc aux yeux brillants qui est en face de moi. Il n’est pas en colère. Il répète sa phrase, envahi par le chagrin. Je lui prends le bras, geste qu’il imite. Sans mot dire. Le regard vers le sol.

«Oui, c’est mon enfant».

Comme son enfant, ils sont 84 à avoir laissé leur vie sur la promenade hier soir. 84. Un véritable enfer.

Je tente d’imaginer les 292 morts, victimes de l’attentat de Bagdad. Mais le chiffre est trop grand. Impossible de donner un sens à tant de victimes.

Combien de fois avons nous couru sur cette promenade? Nous y sommes nous baladés? Profitant de la douceur du climat niçois. N’importe qui aurait pu être victime hier soir.

Une immense pensée à toutes les familles en peine. Tous ces visages, expression du chagrin et de la douleur. J’aimerais trouver les mots. Mais ils ne viennent pas…

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