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Les semi-esclaves

Shot of a man working in an office Photo: Getty Images/iStockphoto

Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), un employé canadien 
sur sept n’a aucun contrôle sur son horaire de travail.

La plupart d’entre nous travaillons selon un horaire précis, le même chaque jour ouvrable. Nous commençons toujours à la même heure et travaillons toujours le même nombre d’heures. Lorsque nous avons besoin de temps libre supplémentaire, il nous est d’habitude possible de l’obtenir, ce qui nous permet de remplir l’ensemble de nos obligations.

Mais ce n’est pas le cas de tout le monde, malheureusement. En effet, en se basant sur les résultats de l’Enquête sur les milieux de travail et sur les employés (EMTE) de Statistique Canada, un rapport de l’OIT signale que l’horaire de 14% des travailleurs canadiens (ou environ 1 sur 7) est instable. Cela signifie que, d’une semaine à l’autre, ces travailleurs ne savent pas quand ils travailleront ni pendant combien d’heures. Leur horaire change selon les besoins de l’employeur. Plusieurs d’entre eux doivent demeurer constamment près de leur téléphone, car il est possible qu’on leur demande à la dernière minute de venir travailler. À l’inverse, il est tout aussi possible qu’on les renvoie chez eux avant la fin «officielle» de la journée de travail.

Cette instabilité présente un grand avantage pour les employeurs: la flexibilité. Lorsqu’il y a moins de travail, il suffit de réduire le nombre d’heures de ces employés à statut précaire et même de ne pas les appeler au travail du tout. Du coup, on réduit les sommes à payer sous forme de salaire ou d’honoraires. Lorsque, au contraire, la tâche est lourde, on utilise plus de travailleurs ou on augmente le nombre d’heures de travail.

Évidemment, comme c’est toujours le cas, la flexibilité pour les employeurs devient la précarité des travailleurs. Comme ces employés ne savent jamais quand ils vont travailler ni pendant combien d’heures, leur revenu hebdomadaire est imprévisible. Pourtant, les paiements qu’ils doivent faire, eux, sont prévisibles et réguliers, peu importe qu’ils n’aient travaillé que 10 heures la semaine précédente. Comment, dans ces circonstances, établir et gérer un budget de façon efficace?

De même, il est très difficile pour ces employés à statut précaire de remplir leurs autres obligations (soin des enfants, des parents âgés, etc.), car, pour toucher un revenu adéquat, ils doivent être disponibles en tout temps. Comment gérer son agenda si, à tout moment, il est possible qu’on doive abandonner ce qu’on fait, même si c’est très important, pour se rendre de toute urgence au travail?

Par définition, un esclave est une personne complètement soumise aux attentes de son maître et qui n’a aucun contrôle sur sa propre existence. Pour les travailleurs à statut précaire, 
l’emploi doit bien souvent ressembler à un esclavage.

Faut-il, pour gagner sa vie de nos jours, perdre tout contrôle sur son temps et sur sa propre existence? Ne faut-il plus être qu’un outil au service de son maître?

Bien que le rapport de l’OIT soit récent, Statistique Canada a mis fin à l’EMTE en 2005. Depuis lors, je n’ai aucun doute que le nombre de semi-esclaves, qu’on appelle aussi les «occasionnels», a continuellement augmenté.

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