Soutenez

Entre deux postes

Une radio entre deux postes, c’est une punition sonore. Photo: Pierre Brassard | www.pierrrebrassard.com

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne d’autobus 55, direction sud. C’est jeudi, il est 17 h 20 et il fait très chaud dans l’autobus.

Le véhicule est tellement, tellement plein, qu’on dirait qu’il pourrait faire une indigestion de passagers. Je suis montée cinq arrêts plus tôt et n’ai pu bouger d’un pouce depuis. Prise en sandwich entre l’arrière de la cabine du chauffeur, le sac à dos d’un étudiant qui me frôle la face et les genoux d’une dame assise qui se heurtent à mes cuisses, nous formons une grappe homogène d’individus qui terminent leur journée avec pour trame sonore la radio du chauffeur qui crache à tue-tête un concours où on peut gagner un t-shirt ou des pneus d’hiver. En fait, on ne comprend pas vraiment de quoi il s’agit. Les propos sont inaudibles malgré le fait que le volume soit dans le tapis. Pourquoi? Parce que la foutue radio est entre deux postes!

Vivre avec le choix radiophonique du chauffeur, passe encore. Il a droit à ses goûts et nous sommes quand même un peu sur son terrain. Mais que ce choix soit non assumé et qu’il se traduise par une succession de «grichements», de mots incohérents hurlés par un animateur exalté et que le tout soit entrecoupé de notes névrosées qui tentent de se frayer un chemin à travers cette bouillabaisse audio, ça, par contre, c’est assez insupportable!

Une radio entre deux postes, c’est une punition sonore. C’est ambivalent, pas franc, pas net. Une radio entre deux postes, c’est un compromis entre le mauvais et le pire, puisque l’addition des sources offre pour unique résultat une agressante confusion.

C’est donc les nerfs à vif que je réalise que les sons qui nous entourent sont totalement en phase avec la journée que je viens de passer. Des questions pressantes que j’ai posées tôt ce matin demeurent sans réponse. Il ne neige pas, mais la pluie froide est plus dense que d’habitude. Je crève de faim, car j’ai choisi de répondre à des courriels plutôt que de luncher décemment. Et parce que j’ai trop attendu, j’ai manqué un film formidable qui n’est maintenant plus à l’affiche.

Rien de grave. Seulement une série de petites choses anodines qui font que, parfois, la vie semble être entre deux postes.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.