Le poids du respect

Photo: Illustration : Pierre Brassard | www.pierrebrassard.com

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Autobus 14, direction nord. Jeudi. Il est 20 h 40.

Il a environ 14 ans. Il monte à bord du bus, encombré par une poche de hockey qui semble faire deux fois son poids et qui atteint presque sa taille.

Lui qui est plutôt petit et délicat. Il lutte également avec son bâton qui traîne la patte. Il le ramène sur le droit chemin d’un geste sec, en s’en assenant un coup sur la tête au passage.

Le garçon aux joues rouges poursuit courageusement son chemin, portant l’immense baluchon en bandoulière, sur son épaule. Il utilise maintenant son hockey en guise de soutien. Comme une houlette de berger.

En fait, il ressemble à un petit mouton égaré. Loin de son équipe.

Il s’assoit, voire se laisse choir, enfin délesté de cette charge qu’il supporte depuis on ne sait pas trop combien de temps ni sur quelle distance.

Il regarde par la fenêtre et se remémore la partie. Il a vraiment bien joué ce soir. Il se rappelle sa fulgurante échappée et son but triomphant. L’ado, en toute humilité, se permet quand même de ressentir de la fierté. Après tout, on la lui doit, cette victoire!

Ce moment passé sur la glace, à en mettre plein la vue à ses adversaires et coéquipiers, est une dose concentrée de confiance et d’estime de soi pour ce petit gars qui, à l’école, se fait souvent écœurer.

Demain, il sait qu’on le regardera autrement.

Avec un peu plus de respect peut-être. Il se surprend même à espérer un soupçon d’admiration dans le regard de certains qui ont été particulièrement cruels depuis quelques jours. Il sait qu’il faut parfois peu de choses pour faire tourner le vent et sent qu’enfin celui-ci souffle dans la bonne direction. Il a le sentiment d’être transporté par ce dernier, et c’est probablement pour cette raison qu’il porte à son tour, et avec joie, le fardeau de son énorme sac. Parce qu’il sent profondément que ce qui est porteur de respect ne demande pas de force, mais, au contraire, en procure.

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