Les poussettes

Ligne d’autobus 24, direction ouest. C’est jeudi, il est 11 h. Un morceau de printemps quasi caniculaire s’est momentanément déposé sur la ville. Ça sent les bourgeons, les oiseaux et l’excitation. Des terrasses s’improvisent, parfois sous forme d’une table et de quelques chaises installées sur un bout de trottoir.

Le bus arrive coin Sherbrooke et Bleury. J’y monte, un peu à contrecœur. Ne pas avoir été aussi pressée, j’aurais marché volontiers dans la chaleur précoce. J’en veux à cet empressement involontaire qui fait trop souvent de nos jours des courses folles.

Pour mon plus grand plaisir, je reste encore un moment le nez au soleil, car je ne suis pas seule à l’arrêt. Devant moi se suivent quatre mères accompagnées de leurs petits, chacun installé confortablement dans sa poussette sophistiquée, ergonomique et, ma foi, assez imposante. On parle ici de poussettes Rolls Royce zéro portatives.

Les mères investissent le bus avec une dextérité impressionnante pour finalement se stationner au centre. Les quatre conductrices et leur véhicule respectif se placent à raison de deux par côté. Ainsi, deux duos de mamans, de poussettes et de petits passagers se font face. Ces derniers se livrent à des conversations animées qui rappellent à la fois des cris de mouettes et de l’espéranto.

Les mères, de leur côté, échangent calmement. Elles ramassent machinalement un toutou, une suce ou un biberon tombés, avant même que leur progéniture ait eu le temps de rechigner. Je regarde ce manège attendrissant. Les poussettes dans le ventre de l’autobus ont un peu l’allure de poupées russes, ou encore d’un stationnement intérieur roulant.

Est alors rappelé à mon souvenir ce temps où, petite, j’étais ainsi véhiculée, confortablement installée, avec pour seule préoccupation de découvrir le monde qui évoluait tout autour. Ce monde qui va si vite maintenant et où les paysages filent à toute allure au lieu de défiler doucement.

Mais au fond, est-ce qu’il n’en tient pas qu’à nous, devenus adultes, de ralentir un peu la cadence, pour retrouver au moins de temps en temps l’agréable langueur du rythme de la poussette? Ne serait-ce que pour nous donner l’impression que ce n’est pas le temps qui nous pousse dans le dos, mais bien nous qui le repoussons, juste un tout petit peu, le temps d’une balade.

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