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La choucroute

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne 14 Amherst, direction nord. Nous sommes mardi, il est 21h.

Il est fascinant de constater à quel point l’équipage d’un bus représente autant d’univers différents que de passagers.

Ce soir-là, il est relativement tard. Je dis relativement, car tout est subjectif quand vient le temps de déterminer ce qui, dans un cycle de vingt-quatre heures, est considéré comme étant tôt ou tard.

Pour le fonctionnaire qui est en poste depuis huit heures ce matin, qui s’est levé à six heures pour avoir le temps de faire ses ablutions et de petit-déjeuner correctement, nous pouvons facilement croire que le moment du lunch arrive vers midi et celle du souper, vers dix-huit heures. Dix-neuf, top.

Mais, pour le gardien de stationnement qui, lui, commence sa journée à quinze heures et la termine à vingt-trois, le moment du jus d’orange, du café noir et de la toast au beurre d’arachides est fixé en début d’après-midi.

Bref, dans nos quotidiens respectifs, tout et son contraire deviennent possibles. Même si nous sommes géographiquement circonscrits dans un même lieu et conséquemment partageons la même réalité temporelle, certains Montréalais vivent à l’heure de la Chine, d’autres, à celle de l’Italie ou encore de l’Argentine. C’est pourquoi aujourd’hui, dans ce bus du soir, personne ne se formalise du fait qu’une dame soit munie d’un souper à emporter. Par contre, le fait que ce repas est une choucroute bien odorante peut titiller certaines narines. Du moins les miennes, à côté desquelles cette femme est venue prendre place. Elle est debout, moi assise, et le sac de papier qui contient ledit repas est à la hauteur de mon nez.

Comme je sors de table et suis gavée comme une grosse bernache qui refuse de revenir du golfe du Mexique parce que le lac Champlain est trop loin, l’odeur de ce repas me semble, sinon anachronique, du moins un peu trop intense.

L’odeur de saucisses et de chou bouilli me ramène au plat de pâtes à la crème beaucoup trop riche que j’ai ingurgité à grande vitesse, il n’y a pas si longtemps. Mon état de satiété rend ces arômes alsaciens à la limite du supportable.

Je me dis alors que si le plancher de l’un représente le plafond de l’autre, en ce moment sa choucroute marche un peu sur mon spaghetti. Une autre belle leçon du «vivre ensemble», cette fois vécue à travers différents fuseaux horaires et choix culinaires.

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