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Lendemain de veille

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne orange du métro, direction Henri-Bourassa. C’est vendredi et il est tôt. Trop tôt. À peine 7h.

Je suis certaine que le coq sur les boîtes de Corn Flakes fait encore ses vocalises. N’étant pas des plus matinales, je me traîne sur le quai pour entrer dans la première voiture qui se présente.

La vie vous propulse parfois en des lieux improbables. Et aujourd’hui, ce lieu-là se trouve à être le siège libre que j’adopte, sans trop regarder avec qui je cohabiterai pour les longues prochaines cinq minutes.

Je sens rapidement que mon voisin fixe intensément ma tempe gauche. Un monsieur assez bien mis, mais un peu défraîchi par une nuit qui semble avoir été des plus festives. Ses cheveux sont hirsutes et il sourit à pleines dents. «Bon matiiiin petite madaaaaame!!!!» s’exclame-t-il avec une haleine de bar à volonté. Mon état d’éveil se manifeste enfin, et assez brutalement.

Les yeux du joyeux drille ont du mal à rester totalement ouverts. Il s’approche de moi davantage en pointant son index vers mon nez et commence à tenir des propos aussi décousus que mous. Il les chuchote avec force. Postillons et vapeurs d’alcool participent activement à son récit.

«J’ai ben mal à la tête… ça fait rien parce que c’était un maudzit beau party… mais j’ai un p’tit peu perdu mon cellulaire… pis aussi mon char… dans un parking intérieur… ma femme va être déçue. J’ai pas pu l’appeler pantoute… pis elle l’aimait notre auto… t’sé une Subaru gris métallique… c’est ben fait pareil ces machines-là… ils l’ont-tu l’affaire les Japonais, hein?!»

Il met brusquement les freins dans sa phrase et effectue une micro-sieste au pied de son exclamation pour se réveiller presque aussitôt en sursaut.
«Hey! Où est-ce qu’on est rendus!?» Je le rassure, lui expliquant que ça fait à peine six secondes qu’il dort.

Arrive enfin mon arrêt. Je me lève en saluant par courtoisie l’homme très, très, éméché. Une fois descendue, je vois à travers la fenêtre qu’il s’est à nouveau assoupi. Le métro démarre, emportant avec lui ce passager et son lendemain de veille.

Je me demande ce qu’il a pu ainsi célébrer. Une promotion? Un enterrement de vie de garçon? Son anniversaire? Peu importe. Mais on peut imaginer que, quoi que soit la raison de sa bamboula, quand il arrivera chez lui, devant son épouse qui se sera fait un sang d’encre toute la nuit, ça risque d’être sa fête!

Très bel été à vous, chers lecteurs. Nous ferons relâche durant une partie de la période estivale. Au grand plaisir de vous retrouver dès le mardi 12 août.

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