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Irrésistible

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne 55, direction nord. Nous sommes vendredi et il est 17h.

C’est la fin de la journée et nous, passagers, rentrons pour la plupart chez nous un peu étourdis par le rythme fou de notre première semaine de rentrée. Décalés que nous sommes d’avoir eu à reprendre si brutalement nos activités, alors que nous avions passé les dernières semaines à exceller dans les disciplines du hamac extrême, de la crème glacée olympique et de l’apéro qui s’étire jusqu’à pas d’heure. Nous voici donc plongés dans le bain bouillonnant du retour au boulot.

Le bus, comme le veut la convention de l’heure de pointe, est rempli à craquer.

C’est pourquoi je n’arrive pas tout de suite à déterminer d’où provient cette odeur à la fois forte et merveilleuse, de pain frais. Ce parfum flotte dans notre véhicule, comme si ce dernier était une boulangerie ambulante.

Je me hisse sur la pointe des pieds pour apercevoir un jeune homme, assis un peu loin vers l’arrière. Il tient sur ses genoux un énorme sac de papier brun qui doit contenir une trentaine de baguettes.

Je me faufile pour m’approcher davantage de cette cargaison odorante.

Plusieurs autres passagers sont, comme moi, ensorcelés par ces arômes de farine blanche, de sel et de levain. Un parfum à peine sucré, qui peut parfois rappeler l’odeur subtile du foin chauffé sous le soleil et qui a quelque chose de très réconfortant et de si appétissant.

La fin de cette journée nous a creusé l’estomac. Et avec un peu d’imagination, je crois entendre les borborygmes de mes voisins. En tout cas, je sens les miens.

Je nous perçois soudainement comme une meute de loups affamés prêts à bondir sur un cheptel de brebis sans défense.

Le jeune homme, se sentant soudainement observé, se lève doucement. Il protège son troupeau de baguettes en l’encerclant de ses longs bras.

Alors qu’il descend à l’arrêt suivant, nous réalisons qu’un des pains dépasse du sac un peu plus que les autres et a été grignoté; une bouchée bien franche l’a étêté.

Je comprends que ce jeune homme n’ait pu résister, et qu’il saura justifier cet acte répréhensible en invoquant simplement le fait que «l’esprit est ardent, mais la chair est faible». Surtout devant une si tendre mie et en cette fin de vendredi.

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