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Hors du commun: Fou rire

Chaque semaine, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne verte, direction Honoré-Beaugrand. Nous sommes lundi. Il est 11h40.

Elles sont deux femmes, assez chic. La fin trentaine, probablement. Amies proches, très certainement.

L’une, portant un manteau de velours noir et une écharpe rose, relate à sa comparse un rendez-vous désastreux avec un Monsieur.

Son amie est tout ouïe. «Je te jure qu’il ne se prenait pas pour un 7up flat», explique-­t-elle en sortant son portable de son sac. Elle invite son interlocutrice, vêtue d’une gabardine bleue, à lire un texto envoyé par l’homme en question.

La dame en bleu écarquille les yeux et éclate d’un rire coup de tonnerre fracassant. Elle ne peut plus s’arrêter. Des larmes, qu’elle essuie du revers de sa manche, coulent sur ses joues.

Elle tente de retrouver sa consistance, mais pouffe de nouveau. La détentrice du texto observe sa copine et, comme un moteur qui tarde à démarrer, laisse finalement monter en elle un rire qui s’avère au final tout aussi retentissant. Elles sont incontrôlables.

La fouine en moi se meurt de connaître le contenu de ce texto. Je me retiens à quatre mains de leur demander d’y jeter un œil. Mais mon jugement, qui est parfois en vacances, me revient juste à temps pour sauver ma dignité. Je me contente du spectacle réjouissant qu’offrent ces deux dames.

Dès que l’une reprend ses esprits, l’autre rechute de plus belle; ce qui provoque entre elles un effet d’entraînement systématique. Des épaules qui sautent, des yeux qui coulent de joie, des abdominaux assaillis de crampes et des côtes que l’on tient; le fou rire est un état à la fois jouissif et si déroutant.

C’est comme perdre pied dans un escalier aux marches capitonnées. Une perte de contrôle inoffensive, à la fois assumée et honteuse. En fait, comme on le sait, l’interdit est souvent un déclencheur. Et ce rire coupable n’en devient alors que plus savoureux.

Puis, vient la douleur. D’abord morale, parce qu’on a tous un fond judéo-chrétien. Ne serait-ce que par atavisme. Et nous savons que ce qui est défendu finit par nous coûter quelque chose. Puis physique, car les spasmes et les contractions finissent par faire mal. Vraiment.

Je le sais, pour être ceinture noire en fou rire. La cadence des deux amies ralentit peu à peu. Un dernier soubresaut, et le calme revient… Jusqu’à ce que la dame au manteau de velours brandisse de nouveau le texto au visage de son amie.

Et c’est reparti!

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